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BEYELER FONDATION

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Située à Riehen, commune limitrophe de Bâle, dans le parc du Berower, la Fondation Beyeler frappe par sa simplicité et son harmonie. Le long bâtiment rectangulaire aux façades de porphyre rouge de Patagonie conçu par l'architecte italien Renzo Piano s'inscrit tout naturellement dans le paysage campagnard avoisinant ; les grandes baies vitrées ménagent des échappées sur les plans d'eau ou les arbres du parc tandis que les perspectives intérieures permettent de féconds rapprochements entre les œuvres exposées, mises en valeur par les proportions des espaces, le naturel du sol en chêne clair et la lumière zénithale issue du vaste toit (4 000 m2) aux élégantes armatures d'acier peintes en blanc. Sur deux niveaux se développent 3 000 m2 de surface d'exposition dont un tiers est prévu pour des manifestations temporaires destinées à générer des échanges vivants avec le fonds permanent. Le bâtiment de 111 m × 35 m a été agrandi de plus de 10 mètres deux ans après son inauguration, augmentant ainsi de 300 m2 la surface d'exposition. En rez-de-jardin, 15 salles sur 18 présentent les quelque 160 œuvres de 33 artistes réunies dans la collection personnelle du marchand d'art bâlois, Ernst Beyeler (1921-2010), au terme de près de cinquante ans d'activité.

Présentée en 1989 au Centro de Arte Reina Sofia de Madrid, en 1993 à la Neue Nationalgalerie de Berlin et en 1996/1997 à l'Art Gallery of New South Wales à Sydney, la collection est installée dans ses murs et accessible au public depuis octobre 1997.

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Constituée par des groupes d'œuvres de tout premier plan, elle rend notamment compte de la production artistique qui s'étend du postimpressionnisme (Degas, Cézanne, Rousseau, Van Gogh, Derain) au cubisme (Picasso, Braque, Léger), point fort de la collection. Des accents majeurs sont donnés par des ensembles de Picasso (26 œuvres), Klee (19), Kandinsky dont l'Improvisation 10 de 1910. Miró, Ernst, Matisse rayonnent également, tout comme Lipchitz, Giacometti (22), Brancusi et Calder.

Les travaux de Newman, Pollock, Rothko, Sam Francis, Franck Stella, Lichtenstein font écho à ceux de Kandinsky et Mondrian, et donnent à voir le vaste mouvement de l'abstraction développé en Europe et outre-Atlantique et poursuivi par les recherches d'Andy Warhol et de Rauschenberg.

La collection, enrichie en 1992 par des œuvres de Dubuffet et de Bacon, et dotée d'une trentaine d'objets d'art d'Afrique, d'Océanie et d'Alaska qui invitent à des confrontations intéressantes, se conclut par des œuvres de Baselitz, Kiefer et Fabro.

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Par leurs choix et leurs renoncements (ne figurent en effet ni certains précurseurs de l'art du xxe siècle ni les courants qui ont ultérieurement remis en cause le concept même d'œuvre d'art – art minimal, art conceptuel, installations), les époux Beyeler ont réuni un ensemble qui se distingue par sa qualité, sa densité et son homogénéité. Procurant à chaque œuvre l'intimité et le rayonnement qui lui sont nécessaires, l'accrochage n'a aucune visée historicisante : il légitime l'élection de l'œuvre considérée dans son unicité et invite le visiteur à la délectation et à la réflexion.

Ernst Beyeler (1921-2010) commença son activité de galeriste à Bâle (Suisse), dans un magasin de livres anciens qu'il avait repris à l'âge de vingt-quatre ans, en proposant en 1947 des gravures sur bois japonaises puis des estampes de Toulouse-Lautrec. Marqué par les achats de Georg Schmidt, premier directeur du musée des beaux-arts de Bâle et par les expositions réalisées à la Kunsthalle par Lucas Lichtenhahn, il s'ouvrit à l'art moderne, fit rapidement de sa galerie à la Baumleingasse l'une des plus prestigieuses de Suisse et exerça sur la scène internationale de l'art un rôle de tout premier plan.

Les circonstances de la vie, son savoir-faire et son sens de l'amitié lui permirent d'accéder à des sources capitales. Il put ainsi en 1959 acquérir une bonne partie de la collection Thompson de Pittsburgh (États-Unis) : environ 100 œuvres de Klee – dont 88 constitueront le fonds de la collection de Nordrhein-Westfalen présentée au musée de Düsseldorf –, des œuvres maîtresses de Cézanne, Monet, Picasso, Matisse, Léger, Miró, Mondrian, Braque, ainsi que l'exceptionnel ensemble de 80 œuvres de Giacometti, qui sera racheté à son initiative par la Fondation Giacometti, créée à Zurich en 1965 spécialement à cet effet.

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Il sut gagner la confiance des artistes (Picasso, Twombly, Giacometti) et acquit en 1972 auprès de la veuve de Kandinsky une centaine d'œuvres de cet artiste dont il gère désormais le fonds.

En 2002, il réussit une opération analogue : au terme de la remarquable exposition consacrée en 2001 par la Fondation à Mark Rothko, Ernst Beyeler obtint de la part des héritiers de l'artiste et de plusieurs musées américains des prêts en nombre suffisant pour installer trois salles consacrées exclusivement à Rothko. Ces dix-huit toiles, datant pour la plupart des années 1950-1965, seront présentées en permanence pendant une durée minimale de deux ans. Elles constituent un ensemble unique en Europe d'« espaces de méditations » conformes au souhait de Rothko.

Dans les années 1970, il attire dans sa ville natale les collectionneurs, galeristes et amateurs d'art en créant la Foire internationale d'art de Bâle, dont il sera un membre organisateur actif jusqu'en 1992.

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Mise sur pied en 1982 par les époux Hildy et Ernst Beyeler, la Fondation (qui fournit les 55 millions de francs suisses nécessaires à la réalisation du projet, tandis qu'après une consultation de la population la Commune de Riehen offrait la jouissance du terrain et que le canton de Bâle-Ville prenait à sa charge un budget annuel de fonctionnement de 1,75 million de francs suisses) occupe une place importante dans l'histoire des collections suisses. Elle s'est assurée, pour poursuivre l'œuvre entreprise, le concours de Christoph Vitali qui, après avoir dirigé pendant dix ans la Maison des arts à Munich, copréside de 2003 à 2008 aux destinées de l'institution, remplacé ensuite par Samuel Keller. Résolument ancrée dans la « modernité classique », elle vient, non loin du musée d'art contemporain ouvert en 1980 et du musée Tinguely inauguré en 1997, confirmer le rôle essentiel de la ville de Bâle pour le rayonnement de l'art du xxe siècle.

— Daniel HARTMANN

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