BÜHRLE FONDATION, Zurich
Sur les hauteurs de Zurich, dans les quartiers résidentiels de la « rive dorée » du lac, un hôtel particulier abrite près de 200 œuvres de la collection constituée par l'industriel d'origine allemande Emil Georg Bührle (1890-1956). Placées en 1960 par les héritiers du collectionneur, qui tenaient à lui rendre hommage, sous le statut juridique de « fondation de famille », elles sont désormais accessibles au public plusieurs jours par semaine. Le visiteur découvre ainsi dans le cadre d'une demeure privée dotée de son ameublement – meubles, poêles de faïence, lustres – une collection particulière réunissant des œuvres des écoles française, espagnole, italienne et flamande ainsi qu'un ensemble de sculptures rhénanes des xive et xve siècles.
Emil Georg Bührle naquit en 1890 à Pforzheim (Baden, Allemagne) au sein d'une famille de fonctionnaires. Après des études secondaires à Fribourg-en-Brisgau où il se découvrit à la fois une passion pour la technique et un véritable goût pour les arts et les lettres, il y entreprit des études supérieures de philosophie et de littérature avec notamment des travaux sur le roman piétiste de l'écrivain Jean-Paul. Il compléta son cursus par des cycles d'histoire et d'histoire de l'art à l'université de Fribourg, où Wilhelm Vöge lui insuffla un vif intérêt pour l'art du Moyen Âge, et à l'université de Munich. La guerre vint interrompre ses études et il servit quatre ans comme officier sur les fronts russe, moldave et français. Capitaine d'industrie, E. G. Bührle présida aux destinées de l'entreprise de machines-outils, matériel d'aviation et armements Oerlikon au sein de laquelle il était entré en 1929.
En 1913, il avait été marqué par les impressionnistes français découverts à la Galerie nationale de Berlin et c'est autour de ce mouvement qu'il constitua sa collection à partir des années 1930. Celle-ci s'ordonne en effet autour de magnifiques paysages de Pissarro, de Monet et de Sisley et d'un ensemble de 15 œuvres de Manet, de 3 Degas, et de 5 Renoir qui apparaissent comme les peintres de prédilection du collectionneur. E. G. Bührle aimait rappeler que sa collection s'était constituée en ondes successives, « à l'instar d'une pierre qui, tombant à l'eau, génère une série de cercles plus ou moins larges en fonction de l'intensité de l'impact initial ». Ainsi son premier achat, effectué en 1934 – un dessin de Degas et une nature morte de Renoir –, suscita en lui le désir de « former un ensemble de Corot à Van Gogh et Cézanne ». La collection comprend 7 œuvres du maître d'Aix dont Le Garçon au gilet rouge, l'Autoportrait à la palette, le plus grand des autoportraits connus de Cézanne, et le Portrait de Mme Cézanne. Le groupe des Van Gogh forme à son tour un accent important auquel les œuvres de Gauguin font écho ; elles sont elles-mêmes en étroite résonance avec des œuvres de Toulouse-Lautrec et de Rouault.
L'art du début du xxe siècle est représenté par un ensemble d'œuvres nabies, des œuvres fauves de Matisse, Vlaminck et Derain et des natures mortes cubistes de Picasso et de Gris. Chagall, Soutine et Kokoschka concluent l'ensemble.
Les précurseurs de l'impressionnisme sont présents dans la collection par des œuvres de Corot, Courbet, Daumier et Fantin-Latour.
Le xviiie siècle y figure également grâce à une série de portraits de Greuze, Fragonard, des vues vénitiennes de Guardi et de Canaletto, des œuvres de Goya. Et le xvie siècle, grâce à Greco et à Tintoret.
L'éclectisme de la collection est tel qu'elle comporte un ensemble de maîtres hollandais et flamands du xviie siècle : des portraits de Frans Hals et de Rembrandt côtoient des tableaux d'architecture, des scènes de genre et des[...]
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Écrit par
- Daniel HARTMANN : professeur de lettres
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