MATHÉMATIQUES FONDEMENTS DES
Au sens premier et fort, le mot « fondement » désigne la base, jugée inébranlable, sur laquelle repose un corps d'énoncés, un système de connaissances, un complexe de croyances ou de conduites. « Reposer sur la base » signifie ici « trouver en elle à la fois son origine et sa raison ». Point fixe à partir de quoi l'on explique et déploie, région originaire où prend racine le riche contenu de l'expérience instruite, tel apparaît le sens fort de l'expression « fondement ». À prendre le mot en ce sens, la question du « fondement des mathématiques » déboucherait sur un problème métaphysique. Elle consisterait à se demander : Pourquoi existe-t-il une mathesis ? De quelle région de l'Être le mathématicien instaure-t-il son discours ? Dans quels champs d'objets se déploient et de quelle origine sont les enchaînements opératoires qui, dans leur ordonnance réglée, manifestent les êtres et les propriétés mathématiques ? Sur ces questions, de Pythagore à Husserl (pour fixer deux bornes), la tradition philosophique n'a pas été avare de paroles. Il s'en faut.
Depuis un demi-siècle cependant, l'expression « fondements des mathématiques » a acquis un sens plus restreint et plus précis. C'est en vain, par exemple, que l'on chercherait dans le monumental ouvrage de David Hilbert et Paul Bernays, Grundlagen der Mathematik, un discours philosophique apportant aux questions que nous venons de poser une réponse organiquement développée. En revanche, on y trouve l'exposé d'un ensemble de méthodes mathématiques propres (tel était du moins le projet des auteurs) à assurer la validité des enchaînements démonstratifs que proposent les mathématiques effectivement produites. Les méthodes employées débouchent, certes, sur une conception des mathématiques, sur une interprétation de la nature de leurs objets et de leurs opérations. Mais ni cette conception ni cette interprétation ne sont strictement requises pour la mise en œuvre des méthodes elles-mêmes.
C'est en ce sens restreint que nous prendrons ici l'expression « fondements des mathématiques », entendant par là le système des énoncés, objets d'une théorie explicite, propres à assurer les démarches démonstratives dont l'enchaînement constitue le tissu de la mathématique.
Historiquement, on peut dater du Begriffsschrift de Gottlob Frege (1879) le moment où un tel projet a été conçu dans sa pleine autonomie et où a été produit pour la première fois un système théorique capable d'en préciser le concept et d'en permettre la mise en œuvre.
Mais si, sur ce point, l'« histoire » commence avec Frege, la « préhistoire » n'est pas négligeable. La « démonstration » mathématique a été l'objet de discours fort anciens. Et si, pendant longtemps, ces discours n'ont pas été produits dans la forme mathématique, ils n'en ont pas moins ouvert le champ des problèmes, manifesté les polarités élémentaires, en fonction desquels (et en partie contre lesquels) s'est posée ouvertement, et en son domaine théorique propre, la question des fondements.
Comment s'est dégagé ce domaine théorique ? Dans quelle configuration de la mathématique, dans quel champ conceptuel et pour quelles espèces de problèmes s'est-il manifesté ? Pour répondre à cette question, il importe de voir comment, au lever du rideau, à la veille de la création frégienne, s'était noué le lien entre les protagonistes, à vrai dire déjà anciens, de la pièce qui va se jouer.
La tradition, de Platon à Descartes
La pièce est construite sur une situation triangulaire où deux personnages élaborent les stratégies de nature à s'assurer le contrôle exclusif d'un troisième qui, de son côté, pour préserver son autonomie, essaye tour à tour de contrôler les deux autres. [...]
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Écrit par
- Jean Toussaint DESANTI : professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média
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