MATHÉMATIQUES FONDEMENTS DES
La recherche de la rigueur
Déjà au siècle de Descartes apparaissent de graves discordances. Pascal d'abord. Dans son opuscule De l'esprit géométrique, il a défini, d'une manière informelle, les règles constitutives d'un système déductif. Bien qu'il parle encore le langage cartésien (« ne demander en axiomes que des choses parfaitement évidentes d'elles-mêmes »), Pascal n'en conçoit pas moins une science démonstrative comme un système d'écritures explicites, dans lequel tous les termes doivent être définis, les règles de démonstration clairement conçues et rigoureusement respectées. L'évidence cartésienne est ici réduite à la portion congrue. On n'entreprendra pas de démontrer « aucune des choses qui sont tellement évidentes d'elles-mêmes qu'on n'a rien de plus clair pour les prouver ». Mais toute proposition « un peu obscure » devra être démontrée. Et la démonstration ne devra utiliser que « des axiomes ou des propositions déjà accordées ou démontrées ». De plus, il importe de veiller, dans le déroulement de la démonstration, à éviter tout glissement de sens, et donc toujours « substituer mentalement les définitions à la place des définis ». La sûreté de la déduction ne tient pas, ici, au fait qu'elle renvoie à l'évidence. Elle n'est plus éclairée de l'intérieur par l'intuition cartésienne. Elle tient à ceci que les enchaînements mathématiques déploient en leur sein un mécanisme interne de contrôle, une autorégulation, dont le mathématicien doit s'efforcer de découvrir et de manier les principes. La structure axiomatique des systèmes déductifs est alors dessinée.
Le « calcul » de Leibniz
On sait que Leibniz a accompli l'expulsion de l'évidence du champ de la logique et des mathématiques. Cela tient sans doute, ainsi que l'a montré Yvon Belaval dans son livre Leibniz, critique de Descartes, à ce qu'il pratique une autre mathématique que celle de Descartes. C'est un point que nous n'aborderons pas ici (cf. infini mathématique, leibniz, logique). Indiquons simplement qu'il a posé, dans toute sa généralité formelle, le concept, dont Descartes avait été l'initiateur, de mathesis universalis. Ce projet, qu'il aborde en algébriste, le conduit, du même mouvement, à remanier la logique traditionnelle et à jeter les bases d'un calcul logique dans lequel l'« addition » et le « produit » sont des opérations idempotentes. Dans plusieurs opuscules (cf. en particulier Non inelegans specimen demonstrandi in abstractis), il s'efforce de présenter sous forme axiomatique les éléments de ce calcul. On a souligné (cf. en particulier La Logique de Leibniz de L. Couturat) que ce remaniement était de portée limitée, en ce qu'il débouchait sur une simple remise en chantier de la logique traditionnelle. Il est vrai. Mais l'essentiel consiste ici dans la généralité des méthodes employées pour obtenir ce résultat limité. Leibniz a dégagé le concept général de « calcul » et le concept général d'opération portant sur des éléments quelconques. En cela, il n'a pas seulement libéré les sciences démonstratives de l'impérialisme de l'intuition ; il a aussi libéré leur champ propre. Est accessible à la démonstration, et donc en droit objet des mathématiques, tout domaine du savoir dans lequel il est possible de définir d'une manière univoque des systèmes d'objets et, sur ces systèmes d'objets, des lois d'opérations explicites. Le même mouvement qui arrache les mathématiques à l'impérialisme de l'évidence les arrache à celui de la grandeur. La mathesis conquiert ici son universalité de principe. Cette conclusion est, pour notre propos, essentielle. La question du fondement des mathématiques,[...]
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Écrit par
- Jean Toussaint DESANTI : professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Média
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