FONDS RÉGIONAUX D'ART CONTEMPORAIN ou FRAC, France

Fonds ou collection d'art contemporain ?

La mise en œuvre de la mission première des F.R.A.C., acquérir des œuvres d'art contemporain, a fait surgir une tension entre deux conceptions du patrimoine ainsi constitué : à l'idée originelle de fonds, ensemble volontairement éclectique d'œuvres-ressources destinées à servir divers projets culturels, s'est souvent substituée une logique de collection, qui suppose la recherche d'une cohérence entre les œuvres acquises.

L'émergence de lignes esthétiques propres à chaque F.R.A.C. s'explique en partie par la procédure d'achat des œuvres, dans laquelle un comité technique composé de « personnalités qualifiées », d'experts de l'art contemporain (conservateurs, enseignants, critiques d'art, directeurs d'établissement, collectionneurs) et de quelques élus, procède à une sélection préalable puis propose au conseil d'administration une liste d'œuvres à acquérir. Comparée par Philippe Urfalino à une « cueillette » (par opposition à la « pêche » que serait la visite prospective d'ateliers et à la « chasse » d'œuvres convoitées par d'autres), l'acquisition est guidée par les affinités et les connaissances des experts. Les polémiques, parfois violentes au sein des comités ou du conseil d'administration, portent sur les critères de choix, jugés trop parisiens ou au contraire trop locaux, sur la valeur esthétique et économique des œuvres, fort incertaine pour la majorité d'entre elles, ou sur le message véhiculé et l'usage prévu pour des œuvres qui rompent souvent avec les supports traditionnels de l'art, comme les performances, les installations et les vidéos.

Si la plupart des fonds présentent une forte diversité de tendances artistiques, certains se sont spécialisés autour d'axes thématiques structurants, souvent déterminés en fonction du patrimoine et de l'histoire régionale : le temps en Franche-Comté, le dessin en Picardie, l'architecture en région Centre. Au F.R.A.C. Lorraine, la directrice, Béatrice Josse, a privilégié les œuvres d'artistes femmes, avant de se tourner vers les œuvres immatérielles et les performances d'artistes issus de cultures non occidentales. Certaines collections comptent des œuvres d'artistes internationalement réputés : ainsi, le F.R.A.C. Pays de la Loire a acquis dès 1983 des sculptures d'Anish Kapoor, puis des œuvres de Richard Prince et de Yan Pei Ming, tandis que d'autres faisaient le choix d'achats à des artistes nés ou travaillant dans la région.

De fortes disparités régionales sont ainsi apparues, dans l'ampleur des fonds (de trois cents à quatre mille œuvres), dans la part des subventions provenant de la région et de l'État (l'apport peut varier de 5 p. 100 à 50 p. 100 pour le ministère de la Culture), tout comme dans les budgets annuels d'acquisition qui varient de 100 000 à 300 000 euros. Un point commun à tous les F.R.A.C. est la modestie de leur budget, si on le confronte aux prix atteints par le marché de l'art contemporain. En découlent des initiatives innovantes visant à enrichir le fonds à moindres frais : résidences d'artistes (les pionniers sont les « Ateliers internationaux » en Pays de la Loire, depuis 1984) et co-productions d'œuvres avec l'artiste, avec un musée ou un collectionneur privé (le F.R.A.C. Limousin s'associe en 1999 à l'Italienne Patrizia Sandretto pour financer les « sculptures doubles » de Giuseppe Gabellone). Ce faisant, les F.R.A.C. jouent un rôle sans cesse plus actif dans le soutien à la jeune création contemporaine, française et étrangère.