FONTAINES PULSANTES, physique
Les surfaces fluides en mouvement – une flamme, des vagues, du sable qui coule – continuent de poser des problèmes remarquables dont l'apparente simplicité est bien trompeuse. Le ressaut hydraulique qui se forme au fond de nos éviers, quand un filet d'eau vient le frapper, est encore mal compris. L'amincissement et la rupture d'un jet de liquide engendrent une cascade d'événements spectaculaires. La façon dont coule ou vieillit une mousse ou une émulsion est une question sur laquelle de nombreux progrès ont été accomplis ces dernières années.
L'observation directe de ce qui nous entoure peut donc être, encore aujourd'hui, le point de départ d'une recherche, comme l'illustrent les fontaines pulsantes, découvertes à Grenoble par Emmanuel Villermaux en 1994 et récemment étudiées par Christophe Clanet, à Marseille.
Une fontaine pulsante consiste en un mince jet d'eau envoyé verticalement, à un débit constant (photo). Le jet s'élève, jusqu'à une certaine hauteur : l'énergie cinétique du jet au moment où il s'élance se transforme peu à peu en énergie potentielle de gravité (un phénomène étudié autrefois par Mariotte). Une boule de fluide apparaît à son extrémité et grossit, alimentée par le flux de liquide. Cette boule finit ainsi par s'effondrer sous son propre poids, jusqu'au sol où elle se répand. Une nouvelle séquence peut alors reprendre, à l'identique : on est donc bien en présence d'un jet (ou fontaine) pulsant. Ces oscillations ne sont observées que dans une certaine plage de débits : quand ce dernier est trop faible, le jet ne parvient pas à décoller ; quand il est trop fort, il se pulvérise spontanément en gouttelettes.
Une des caractéristiques les plus remarquables des fontaines pulsantes est la dissymétrie temporelle entre montée et descente. Quand on lance vers le haut un caillou, le temps qu'il met à atteindre son point culminant est égal à celui qu'il lui faut pour en redescendre. Mais là, le jet est constamment alimenté ; la redescente se fait donc contre un jet, qui la freine. Par des modèles très simples, Christophe Clanet a montré que la descente prend deux fois plus de temps que la montée. Ces modèles sont fondés sur une conservation de la masse de fluide et sur une conservation de l'impulsion, et conduisent à une représentation fidèle de la réalité.
Une interrogation subsiste toutefois : l'énergie, elle, n'est pas conservée dans la description de la redescente du jet, mais on ne sait pas très bien dire où l'énergie « manquante » est passée. C'est là un problème récurrent de ces écoulements à surface libre et à masse variable. Une bulle de savon qui éclate provoque exactement la même question : un trou croît à cause de la tension de la bulle, et le liquide qui constituait la pellicule liquide est collecté en périphérie du trou par un petit bourrelet dont la masse augmente avec le temps. Si la conservation de l'impulsion décrit bien la vitesse de propagation de ce bourrelet (donc l'éclatement de la bulle), ce n'est pas le cas de la conservation de l'énergie, qui la surestime. Indépendamment de leur beauté ou de leur utilité, ces problèmes continuent de poser des questions fondamentales étonnamment simples dans leur formulation.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- David QUÉRÉ : directeur de recherche à l'École supérieure de physique et de chimie industrielles ParisTech et au laboratoire d'hydrodynamique de l'École polytechnique
- Élie RAPHAËL : chargé de recherche au C.N.R.S., laboratoire de physique de la matière condensée, Collège de France
Classification