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FORCLUSION, psychanalyse

Tiré du vocabulaire juridique, où il désigne la déchéance d'un droit qui n'a pas été exercé dans les délais prescrits, le terme de forclusion a été introduit dans le langage psychanalytique contemporain par Jacques Lacan pour traduire le mot freudien Verwerfung, très précisément dans le cadre d'une théorie de la psychose, la forclusion constituant même le mécanisme originaire de cette dernière. En réalité, le terme de Verwerfung, qu'on trouve déjà dans la psychologie allemande du xixe siècle, notamment chez Franz Brentano (Psychologie d'un point de vue empirique, 1874, trad. franç., Paris, 1944), a chez Freud plusieurs sens. Il désigne d'abord un simple refus (souvent on traduit alors par « rejet ») et se rapporte au mécanisme du refoulement. Ainsi Freud écrit dans « Les Théories sexuelles infantiles » (1908) : « L'insuccès de l'effort de pensée [de l'enfant] facilite le rejet[Verwerfung]et l'oubli[d'une théorie sexuelle infantile] » (La Vie sexuelle, Paris, 1969).

En un deuxième sens, la Verwerfung s'applique non au refoulement mais au désaveu d'une représentation qui, à un autre niveau, est cependant acceptée. Ainsi s'installe un clivage du moi, où celui-ci ne se détache qu'imparfaitement de la réalité. Dans la phrase : « Le rejet[Ablehnung]est toujours doublé d'une acceptation » (Abrégé de psychanalyse, chap. VIII, 1938), le terme ici utilisé, Ablehnung, est proche de ce deuxième sens de la Verwerfung tel qu'on le rencontre par exemple dans l'histoire de « L'Homme aux loups » (1918) à propos de la castration : « Quand je dis : il la rejeta[verwarf], le sens immédiat de cette expression est qu'il n'en voulut rien savoir, cela au sens d'un refoulement [...] En fin de compte, deux courants contraires existaient en lui côte à côte, dont l'un abominait la castration, tandis que l'autre était tout prêt à l'accepter... » (Cinq Psychanalyses, 1954).

Le troisième sens du terme chez Freud est celui que Lacan traduira par forclusion. Bien qu'il se trouve dès 1894 dans « Les Psychonévroses de défense » (Névrose, psychose et perversion, 2e éd., Paris, 1973), Lacan l'exploitera à partir d'un moment important de l'étude du cas Schreber, moment où Freud tente de définir un mécanisme propre à la psychose paranoïaque dans lequel ne fonctionne ni le refoulement ni la projection. Tandis que le refoulement implique l'intégration de représentations dans l'inconscient et leur reconnaissance inconsciente, la forclusion annule, abolit (par une Aufhebung) telle ou telle représentation, faute de pouvoir la refouler. Freud écrivait déjà dans « Les Psychonévroses de défense » : « Il existe [dans la psychose] une sorte de défense bien plus énergique et bien plus efficace qui consiste en ceci que le moi rejette[verwirft]la représentation insupportable et son affect et se conduit comme si la représentation n'était jamais parvenue au moi. » Différente du refoulement, la forclusion l'est aussi de la projection, laquelle était initialement conçue comme un moment secondaire par rapport au refoulement, comme un processus qui dénie une réalité psychique interne en la projetant hors du sujet.

La forclusion est ce temps originaire où le sujet se coupe définitivement l'accès à une réalité, qui sera dès lors de l'ordre du « réel » et du non-symbolisable au sens que Lacan donne à ces termes. Cela correspond à ce que décrit Freud à propos de Schreber : « Il n'était pas juste de dire qu'un sentiment réprimé à l'intérieur ait été projeté à l'extérieur ; nous voyons toujours que ce qui a été aboli à l'intérieur revient à l'extérieur. »

Pour Lacan, la Verwerfung est la forclusion du Nom du Père : elle coupe[...]

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Écrit par

  • : psychanalyste, membre d'Espace analytique, secrétaire général de l'Association internationale d'histoire de la psychanalyse

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