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FORMALISME (arts)

En histoire de l'art, le formalisme ne peut être dissocié d'une interrogation sur le style. En cela, son objet est l'analyse de l'art, conçu, pour reprendre les termes de l'historien de l'art et critique Meyer Schapiro (1904-1996), comme « un système de formes qui possèdent une qualité et une expression significatives rendant visibles la personnalité d'un artiste et la conception générale d'une collectivité ».

Précisément, le dessein du formalisme, tel qu'il s'est développé dans la seconde moitié du xixe siècle et au début du xxe, fut de mettre en œuvre des schémas d'analyse du style qui, tirant l'œuvre vers la « forme pure » et cherchant dans la forme elle-même les lois du changement stylistique, faisaient abstraction de tous les autres facteurs qui conditionnent la création.

À travers le style, l'historien de l'art peut s'interroger sur les valeurs religieuses, sociales ou morales véhiculées à l'intérieur d'un groupe humain par les formes artistiques. Il peut considérer également la succession des œuvres dans le temps, rapporter le cas échéant les changements stylistiques à des événements ou phénomènes historiques. Enfin, il peut isoler des individualités stylistiques, en repérant les idiomes propres à certaines personnalités. Même quand les archives font défaut, le connaisseur a la faculté de reconstruire autour d'un « nom de commodité », sur un fondement strictement formel, l'œuvre d'artistes dont nous avons perdu jusqu'au nom – tels que le « maître des Crucifix bleus » ou le « maître H.L. » –, mais dont la cohérence s'impose d'un point de vue visuel.

Aux origines du formalisme

D'un point de vue historique, le formalisme, tel qu'il s'est constitué en Allemagne dans le sillage de l'esthétique kantienne, ou suivant celle d'un de ses interprètes, Johann Friedrich Herbart (1776-1841), implique une réflexion aiguë, voire critique, sur la représentation du réel. De ce fait, le formalisme accompagne l'insurrection des avant-gardes contre les conventions « réalistes » ou « classicisantes » de l'art. Mais cela sans réclamer forcément un éloignement de la nature, et encore moins de la norme classique.

Ainsi, pour l'historien de l'art allemandKonrad Fiedler (1841-1895), le visible n'est pas le résidu d'une épuration de la perception, pas plus que la forme ne devrait consister en ce qui reste lorsque l'on a éliminé le contenu. Selon cet auteur, l'art sert tout au contraire à objectiver le monde et à enrichir la conscience que nous en avons. L'activité créatrice, plus que la forme achevée, est alors au centre de la réflexion du théoricien (« De la manière de juger les œuvres des arts plastiques », 1876, texte repris en français dans ses Essais sur l'art, 2002). En insistant sur le processus de la création artistique, sur ce qu'il nomme la « libre création formelle », Fiedler remet en cause de manière radicale les constructions génétiques qui faisaient de la tradition un agent puissant, surdéterminant le cours de l'histoire de l'art. « Tout ce qui a déjà été soumis à un processus intellectuel est perdu pour lui. [...] Ce que l'esprit humain n'a encore jamais effleuré, voilà ce qui suscite son activité. »

Conçue comme une esthétique de l'immanence, la théorie de l'activité créatrice de Fiedler se forma de fait au plus près de son objet, dans l'intimité d'ateliers, celui du peintre Hans von Marées (1837-1887) notamment, ou encore celui du sculpteur Adolf von Hildebrand (1847-1921). Ce dernier tentera d'appliquer à son propre domaine les idées de Fiedler, en distinguant deux types de visions – vision lointaine contre vision proche –, qui l'une et l'autre organisent le[...]

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Écrit par

  • : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre

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