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FORMALISME

La théorie de la formalisation

La construction de systèmes formels, dont on a vu qu'on peut chercher l'origine historique dans une tradition de philosophie mathématique aux aspects contradictoires, détermine historiquement un déplacement de la réflexion logique du plus grand intérêt épistémologique.

La formalisation des notions logiques qui sont en quelque sorte pratiquées implicitement dans le travail mathématique correspondait initialement à l'objectif de « fonder » la mathématique, ce qui est très clair dans la perspective logiciste de Frege et de Russell. Elle ne répondait pas à l'idée d'une transformation de l'objet de la logique comme science. Pourtant, la rupture est profonde avec une représentation traditionnelle parce que la formalisation expulse, au moins au niveau opératoire, la référence intuitive (l'évidence) des notions « logiques » mêmes, qui ne jouissent plus d'aucun privilège à cet égard. Un système formel simple peut servir à représenter la logique des propositions, l'ensemble des opérations logiques élémentaires qui réalisent la notion de conséquence : il suffit que les axiomes et les règles d'inférence règlent l'usage des symboles qu'on interprétera comme négation, implication, conjonction, disjonction. Mais il n'est généralement qu'une partie d'un système plus complexe, permettant de représenter en même temps la logique générale (c'est-à-dire la logique des prédicats ou relations) et des théories mathématiques comme la théorie des ensembles, l'arithmétique, la théorie des groupes, etc., ce qui suppose évidemment l'introduction d'axiomes spécifiques supplémentaires. Mais les axiomes « logiques » ne représentent alors qu'un sous-ensemble de l'ensemble des axiomes d'une théorie, qui sont situés sur le même plan et n'ont pas un usage différent dans la démonstration. On met ainsi clairement en évidence que l'ensemble des théorèmes, des vérités démontrées d'une théorie dépend simultanément des axiomes mathématiques et de la « logique » employée et peut varier en fonction des uns et de l'autre. On peut dire aussi que cette unification illustre le véritable rapport historique de la logique et des mathématiques : la logique ne « fonde » pas les progrès et les transformations historiques d'une mathématique qu'elle surplomberait du haut de sa validité universelle, de son éternité, de son évidence a priori. Elle est un aspect du travail mathématique qui en est entièrement solidaire.

Logique et mathématique

Cela ne signifie pas qu'il n'y ait aucun moyen de distinguer rigoureusement entre axiomes « logiques » et axiomes « mathématiques ». Cette distinction est une question d'interprétation du système formel, c'est-à-dire de construction d'un modèle, ensemble d'objets mathématiques qui peuvent être mis en correspondance avec les symboles et les formules du système. À la suite des travaux de l'école polonaise (A. Tarski) et néo-positiviste (R. Carnap), on appelle généralement sémantique (par opposition à la syntaxe) l'étude théorique des modèles d'un système formel et de leurs propriétés.

En fait, l'objet de la logique théorique se trouve ainsi complètement déplacé, par un mouvement que Cavaillès nommait thématisation, posant comme nouvel objet le formalisme dans lequel on exprimait la théorie du précédent. La logique s'identifie dans ses problèmes, sinon dans ses objectifs, avec ce que Hilbert appelait la «   métamathématique », c'est-à-dire la discipline (mathématique) qui, dans une «   métalangue » rigoureuse, peut nous donner la connaissance scientifique de ces objets nouveaux que sont les « langues » et les systèmes axiomatiques formalisés. On se contentera ici de désigner les principaux de ces problèmes,[...]

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Bertrand Russell - crédits : Kurt Hutton/ Picture Post/ Getty Images

Bertrand Russell

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