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QUADRATIQUES FORMES

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Formes quadratiques sur Zn

On se borne aux formes quadratiques sur Zn non dégénérées, qui s'écrivent sous la forme Q : x ↦ B(x, x), où B est une forme bilinéaire sur Zn × Zn à valeurs dans Z ; la forme bilinéaire associée à Q est donc 2 B, et ce qu'on appelle la matrice de Q est ici la matrice de B (et non celle de 2 B) par rapport à la base canonique de Zn ; c'est par suite une matrice symétrique non dégénérée arbitraire à coefficients entiers. Le problème fondamental est l'étude de l'équation (3), où T1 et T2 sont deux telles matrices, d'ordres respectifs n et m ≤ n, et où la matrice inconnue X est une matrice de type (m, n) à coefficients entiers. Pour m = n, les matrices T2 pour lesquelles (3) a une solution constituent la classe de T1.

Une autre manière de présenter l'étude des formes quadratiques sur Zn est de considérer une forme quadratique non dégénérée fixe sur Rn. Si B est la forme bilinéaire symétrique associée, on considère les réseaux E dans Rn, à savoir les Z-modules de type fini engendrant l'espace Rn, tels que B(x, y) soit entier pour x et y dans E ; deux tels réseaux sont isomorphes s'ils se déduisent l'un de l'autre par une transformation orthogonale (pour B). Comme tout réseau est un Z-module libre (donc isomorphe à Zn), les diverses bases de E correspondent aux formes quadratiques sur Zn formant une classe d'équivalence. L'avantage de cette présentation est qu'elle s'étend au cas où l'on remplace Z par l'anneau des entiers d'un corps de nombres algébriques ; les réseaux sur un tel anneau ne sont plus nécessairement des modules libres.

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Dans l'étude des formes quadratiques sur Zn, on est amené à chercher à étendre le « principe de Hasse » de la théorie des formes quadratiques sur Qn. Les matrices X à coefficients entiers figurant dans l'équation (3) peuvent être considérées comme ayant leurs éléments dans l'un quelconque des anneaux d'entiers p-adiques Zp, ou dans R, et l'existence de solutions X à coefficients entiers implique donc celle de solutions X dans chacun de ces anneaux. Mais, ici, la réciproque n'est plus exacte ; les formes quadratiques x2 + 55y2 et 5x2 + 11y2 sont équivalentes dans R et dans tous les Zp, mais non dans Z (la première représente 1, mais non la seconde). On est donc amené à envisager une notion d'équivalence moins stricte que celle qui est définie ci-dessus : deux matrices symétriques non dégénérées T1 et T2 correspondant à des formes quadratiques sur Zn sont dites appartenir au même genre si l'équation (3) a, dans chaque Zp, une solution Xp (dépendant de p) ainsi qu'une solution dans R (ce qui signifie que les formes quadratiques correspondantes ont même indice). On déduit de la théorie de la réduction qu'un genre ne contient qu'un nombre fini de classes.

L'étude approfondie de l'équation (3) dans Z repose sur des méthodes analytiques, où la formule sommatoire de Poisson (cf. distributions, chap. 4) joue un rôle prépondérant. Il y a lieu de distinguer le cas des formes positives du cas des formes « indéfinies ».

Formes positives

Si S et T sont des matrices symétriques correspondant à des formes positives non dégénérées sur Zn, d'ordres respectifs n et m, avec m ≤ n, on note N(S, T) le nombre de solutions en matrices X sur Z de l'équation tX(S(X = T, nombre qui est fini et ne dépend que des classes de S et de T. On ne connaît pas de formule donnant ce nombre pour n et m quelconques, mais Siegel en a obtenu une expression « moyenne » qui fait intervenir non seulement la classe de S, mais toutes les classes du genre de S. Désignant par Sj des représentants de ces classes, on pose :

et la formule de Siegel s'écrit :
où γ(S) est la « masse » du genre de S au sens d'Eisenstein-Minkowski, c'est-à-dire le nombre :
somme des inverses des ordres des groupes d'automorphismes de Sj. Au second membre de (8), ν parcourt l'ensemble des « places » (finies ou non) de Q, et αv(S, T), qui ne dépend que des genres de S et de T, « mesure » en un certain sens l'ensemble des solutions de l'équation tX.S.X = T dans Qν. On a, d'autre part, une formule explicite (remontant à Minkowski) pour γ(S) :
ce qui permet, en faisant T = S dans (8), d'obtenir le nombre de classes dans le genre de S.

La formule (8) pour T = S a une interprétation remarquable dans la théorie des groupes « adéliques ». Si A est le groupe des adèles de Q (cf.  théorie des nombres - Nombres algébriques), on note GQ, Gv et GA les groupes des matrices carrées X à coefficients dans Q, Qv et A respectivement vérifiant les relations det(X) = 1 et tX.S.X = S. On définit un sous-groupe ouvert GΩ de GA comme produit :

où v parcourt l'ensemble des places de Q, où GΩ(v) = Gv lorsque v = ∞ est la place à l'infini et où, pour chaque nombre premier p, l'ensemble GΩ(p) est l'ensemble des matrices de Gp à coefficients entiers p-adiques.

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On voit alors que les classes du genre de S correspondent biunivoquement aux doubles classes de GA suivant les sous-groupes GΩ et GQ : si Uj sont des représentants de ces doubles classes, de sorte que GA est la réunion des GΩUjGQ, on désigne par Rp(j), pour chaque nombre premier p, le transformé dans Qpn du réseau Zpn par l'automorphisme (Uj-1)p, projection de Uj-1 sur Gp. Il y a alors un réseau et un seul R(j) dans Qn dont l'adhérence dans Qpn est Rp(j) pour tout p ; la matrice Sj est celle qui correspond à la forme quadratique lorsqu'on prend pour base de Qn une base (sur Z) du réseau R(j).

On peut définir sur GA une mesure de Haar privilégiée m (cf. analyse harmonique, chap. 4), dite mesure de Tamagawa, coïncidant dans GΩ avec le produit de mesures de Haar mv sur les Gv. Soit alors G0(Uj) le sous-groupe discret de G, projection du groupe (Uj-1GΩUj) ∩ GQ ; des raisonnements élémentaires de la théorie de la mesure de Haar donnent la relation :

où, par abus de langage, les mesures de Haar m et m sur des quotients de GA ou de G par des groupes discrets sont celles qui sont déduites canoniquement des mesures notées m et m sur GA et G. On constate alors que cette formule devient identique à la formule de Siegel (8) pour T = S, une fois que l'on a prouvé que le « nombre de Tamagawa » m(GA/GQ) est égal à 2 ; la preuve de ce fait (qui peut se faire indépendamment des résultats de Siegel) nécessite le même genre de méthodes analytiques. On peut aussi obtenir de cette manière la formule générale (8) pour n ≥ 4 et m  n − 3. En outre, cette méthode d'« adélisation » peut être considérablement généralisée en remplaçant G par un groupe algébrique semi-simple défini sur Q et en considérant des sous-groupes « arithmétiques » convenables de G (Tamagawa, A. Weil, T. Ono).

Formes indéfinies

Les développements précédents subsistent sans modification lorsqu'on remplace G par le groupe analogue correspondant à la matrice S d'une forme indéfinie à coefficients entiers ; mais, comme ici les nombres N(S, T) sont infinis, il n'est plus possible d'interpréter la formule (10) et l'analogue pour T ≠ S de la même manière que pour les formes positives ; Siegel a montré comment le faire en interprétant, dans la formule (8), les nombres μ(Sj, T) comme des volumes de domaines fondamentaux pour certains groupes discontinus ou comme des limites de rapports de nombres de solutions comme dans (7), où l'on impose aux solutions d'être dans un domaine borné de Zmn et où l'on fait ensuite tendre ce domaine vers l'espace tout entier.

Donnons un exemple de ce genre d'interprétation qui précise le théorème de Meyer affirmant qu'une forme quadratique indéfinie à coefficients entiers et à cinq variables au moins a toujours des solutions non triviales. Si :

est une forme indéfinie à coefficients entiers, si :
est une majorante d'Hermite de cette forme et si on pose :

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x parcourant l'ensemble infini des solutions de Q(x) = 0, alors cette série est convergente et, lorsque ε tend vers 0, le nombre A(ε) croît indéfiniment et est équivalent à Cε-(n-1)/2, où C est une constante.

À d'autres égards, les formes indéfinies ont une théorie plus simple que les formes positives : le nombre des classes d'un genre est toujours une puissance de 2 (qui peut être arbitrairement grande), et les nombres μj(S, T) pour les classes d'un même genre sont tous égaux, ce qui donne leur valeur en vertu de la formule de Siegel lorsqu'on connaît le nombre de classes du genre. Dans certains cas, on a même une classification complète des réseaux correspondant aux formes quadratiques indéfinies : il en est ainsi pour les formes sur Zn de déterminant ± 1. On les classe en deux types suivant que la forme quadratique ne prend que des valeurs paires (type 2) ou prend aussi des valeurs impaires (tympe 1). Les réseaux de type 1 sont isomorphes à pI+ ⊕ qI-, où I+ (resp. I-) correspond à la forme quadratique x2 (resp. − x2) sur Z et où p et q sont des entiers ≥ 1 ; les réseaux de type 2 sont isomorphes à ± (pU ⊕ qΓ8), avec p et q entiers ≥ 0, où U correspond à la forme quadratique 2 x1x2 sur Z2. Pour n = 4k, Γn est le réseau dans Qn formé des (xj), 1 ≤ j ≤ n, tels que 2 xj et xi − xj soient entiers pour tous les indices, et que l'entier :

soit pair, la forme bilinéaire fixe prise sur Qn étant :
on vérifie que la forme quadratique positive sur Zn définie par Γ4k est à coefficients entiers et ne prend que des valeurs paires si k est pair.

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  • HECKE ERICH (1887-1947)

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