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FORMULETTES

Une formulette n'est pas seulement une petite formule, une « expression plus ou moins consacrée qu'il convient de prononcer en certaines circonstances » (Littré). Dans cette acception plus précise, c'est un terme technique qui désigne à présent une réalité qui relève du folklore et de la littérature pour la jeunesse.

La tradition orale populaire constituait une véritable littérature pour enfants (ou au moins un courant littéraire parfaitement différencié) à une époque où elle n'existait pas dans le secteur de l'art savant et de l'imprimé, et en un temps où la pédagogie n'avait pas encore reconnu l'enfant comme un public distinct.

Leur caractère fonctionnel

Les formulettes, ce sont d'abord ces petites phrases toutes faites, et relativement stables, rimées ou non, en « patois » ou en français, qui ponctuent le conte populaire de voie orale, en marquent le commencement, la progression, les péripéties et le terme. Ainsi, cette introduction rituelle, notée en Brière (département de la Loire-Atlantique) par Geneviève Massignon :

« Marche aujourd'hui, marche demain. – À force de marcher, on fait beaucoup de chemin. – Si on ne tombe pas en bas – On n'a pas la peine de se relever. – Alors ! Cric ! Crac ! – J'ai la clé dans mon sac. »

On peut considérer l'expression « Il était une fois » comme la plus connue des formulettes. Elle appartient au groupe de celles qui peuvent servir dans n'importe quel conte ; d'autres formulettes, au contraire, sont liées à un motif, à un thème ou à un groupe de thèmes et servent d'une certaine façon de trame à tel ou tel récit. Dans l'un ou l'autre cas, en somme, les formulettes gardent une certaine indépendance par rapport au conte qu'elles scandent ou organisent. Il y a du reste longtemps que les collecteurs et adaptateurs d'œuvres orales, sans toutefois employer le mot « formulettes », en avaient noté le caractère spécifique. Ainsi, dans les premières éditions du recueil de Ma mère l'Oye, les menaces traditionnelles du Chat botté aux « faucheux » et le dialogue dramatique entre la femme de Barbe-Bleue et sœur Anne sont reproduits en italique, comme des citations.

La plupart des collecteurs de contes de notre époque s'accordent à reconnaître leur importance qui, à l'analyse, se révèle être de nature fonctionnelle.

Leur première fonction semble avoir été de constituer dans la mémoire du conteur le germen, le schéma dynamique du conte entier, et en même temps, au cours du récit sans cesse adapté aux réactions de l'auditoire, de jalonner le processus de mémorisation ou plus exactement de re-création. Mais d'autres fonctions, non moins essentielles, se sont ajoutées à celles-là. Les formulettes, généralement bien connues du public, contribuent à orienter son attente, à prédéterminer sa réceptivité, à approfondir son sentiment de connivence. Composées souvent de mots obscurs, ou inhabituels, elles provoquent, toutes proportions gardées, l'effet de mise en condition et de « distanciation » qui résulte par exemple de l'obscurité au cinéma ou des « trois coups » au théâtre. Elles créent aussi autour du récit une sorte de halo qui le rejette vers le temps jadis, d'autant plus facilement qu'elles abondent en archaïsmes et en « mots sauvages » qui intéressent au plus haut point le philologue et l'historien.

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Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur émérite à l'université de Paris-VII-Jussieu

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