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FOUNDATIONS OF SUPPLY-SIDE ECONOMICS, V.A. Canto, D.H. Joines et A.B. Laffer Fiche de lecture

« Trop d'impôt tue l'impôt » : le renouveau classique

La théorie économique de l'offre est dirigée contre la théorie et la politique économique de John Maynard Keynes. Elle constitue un retour à la tradition classique d'Adam Smith, David Ricardo et Jean-Baptiste Say dont la « loi des débouchés » veut que l'offre crée sa propre demande. De fait, Smith notait déjà en 1776 : « l'impôt peut entraver l'industrie du peuple et le détourner de s'adonner à certaines branches de commerce ou de travail, qui fourniraient de l'occupation et des moyens de subsistance à beaucoup de monde. Ainsi, tandis que d'un côté il oblige le peuple à payer, de l'autre il diminue ou peut-être anéantit quelques-unes des sources qui pourraient le mettre plus aisément dans le cas de le faire » (La Richesse des nations, liv. 5, chap. II, sect. 2, « Des impôts »).

Un peu plus tard, les fiscalistes français développent des analyses similaires : en 1844, Jules Dupuit trace une courbe montrant comment les recettes fiscales commencent par augmenter avec le taux d'imposition avant d'atteindre un maximum, seuil critique au-delà duquel elles régressent jusqu'à être nulles (quand le taux d'imposition est égal à 100 p. 100). On retrouve le vieil adage « les hauts taux tuent les totaux », qui deviendra la maxime « trop d'impôt tue l'impôt ». Laffer réaffirme ainsi la vision classique de l'offre en défendant le principe d'un impôt modéré qui découle logiquement, dans l'idéologie libérale, de la place minimale accordée à l'État.

Mais ce raisonnement comporte une faille : limiter la fiscalité parce qu'elle correspond à un « prélèvement » sur les richesses créées, c'est oublier que l'impôt sert à financer des dépenses publiques. Or les infrastructures, l'éducation ou la recherche financées par l'impôt ont une incidence positive sur le développement économique. Les économistes restent donc sceptiques sur l'économie de l'offre, d'autant plus que cette analyse théorique s'accorde mal aux données empiriques et à l'expérience Reagan, où la baisse des taux d'imposition a coexisté avec des déficits budgétaires extrêmement élevés, une faible croissance du produit et une faible épargne. Lorsque le taux de croissance est élevé, il est possible qu'un allégement fiscal ait des effets positifs. En revanche, dans un contexte macroéconomique plus difficile, aucune validation empirique n'a montré que la réduction d'impôts était suffisante pour modifier les anticipations des agents.

Des interrogations demeurent : quel est le niveau optimal d'imposition t* ? Est-on dans la partie décroissante de la courbe de Laffer ? Si les partisans de l'offre (Ricardo, Say) l'avaient emporté au xixe siècle, le renouveau du mouvement au xxe siècle semble s'être soldé par un échec aussi bien au niveau théorique qu'empirique. Son influence demeure néanmoins par son argumentaire idéologique en faveur d'un État moins interventionniste.

— Annie SORIOT

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Écrit par

  • : chercheur au G.R.E.S.E. (Groupe de recherches épistémologiques et socio-économiques), université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Courbe de Laffer, 2 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Courbe de Laffer, 2