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FOYERS DE CULTURE

Mort et renaissance des foyers de culture

La création culturelle française est tellement liée à des foyers de culture, eux-mêmes appuyés sur des groupes sociaux et nourris par eux, qu'on a pu se demander si elle pourrait survivre à un effondrement des infrastructures. La question a été posée au lendemain de la Révolution ; les colonnes qui supportaient l'édifice étaient brisées, la société policée de l'Ancien Régime anéantie, ses survivants dispersés, les institutions porteuses abolies : plus d'universités, plus de cour, plus de salons, plus d'Église. Comment l'âme pourrait-elle survivre au corps ? C'est une réflexion sur cet état de fait qui a inspiré à Mme de Staël un livre perspicace : De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (Paris, 1800). Dans ces pages écrites entre 1798 et 1799, Mme de Staël prend pour point de départ la société française du Directoire et se demande comment les Français pourront sortir de « la plus affreuse époque de l'esprit public ». Le tableau qu'elle trace est sans indulgence : on ne voit plus que « l'égoïsme de l'état de nature combiné avec la multiplicité des intérêts de la société, la grossièreté sans franchise, la civilisation sans lumières, l'ignorance sans enthousiasme... ». En un mot, c'est le retour à la barbarie du peuple autrefois le plus civilisé d'Europe, et une barbarie sans la vigueur, l'innocence qu'on peut trouver chez les vrais barbares. Car, précise l'auteur, « il ne faut jamais comparer l'ignorance et la dégradation. Un peuple qui a été civilisé par les Lumières, s'il retombe dans l'indifférence pour le talent et la philosophie, devient incapable de tout esprit de sentiment vif, il lui reste un esprit de dénigrement qui le porte à tout hasard à se refuser à l'admiration ». Et de conclure sur une allusion à ce que Dante appelait « l'enfer des tièdes ».

Comment sortir de ces gravats, de cet enfer ? En 1799, il est encore trop tôt pour le prévoir. Mme de Staël ne peut qu'espérer. Mais pour elle une chose est certaine : dans un pays comme la France, le retour à la civilisation passera par la culture et le langage. « La pureté du langage, la noblesse des expressions, images de la fierté de l'âme, sont nécessaires surtout dans un État fondé sur des bases démocratiques. » C'est par l'admiration de la beauté des formes que les valeurs nouvelles se matérialiseront et pourront enthousiasmer et fasciner les générations à venir.

Autour de 1799, on ne pouvait deviner comment le tissu culturel déchiré se reconstituerait. Or, en examinant de près cette période de convalescence, on s'aperçoit que l'organisme français réagit toujours de la même façon : en secrétant de nouveaux foyers culturels. C'est autour d'eux que se dessinent de nouvelles lignes de force et que s'épanouit, sous différentes formes, la convivialité française. C'est le rôle que vont jouer, au xixe siècle, le château romantique des années vingt, l'atelier d'artiste des années trente et quarante, puis les salons et les cafés littéraires.

Mais avant d'examiner ces nouveaux foyers de culture, il convient de ménager une place particulière au cénacle de La Chênaie, dont la durée fut brève (1828-1833), mais l'influence très puissante sur le monde intellectuel du xixe siècle.

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Écrit par

  • : ancien professeur à l'université de Berkeley, professeur émérite à l'université de Manchester, fondateur de l'Institut collégial européen

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Médias

<it>Une lecture chez Madame Geoffrin</it>, A.C.G. Lemonnier - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Une lecture chez Madame Geoffrin, A.C.G. Lemonnier

<it>L'Atelier de Bazille</it>, F. Bazille - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

L'Atelier de Bazille, F. Bazille

<it>Le Bain turc</it>, J. D. A. Ingres - crédits : VCG Wilson/ Corbis/ Getty Images

Le Bain turc, J. D. A. Ingres

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