- 1. Le collège de Coqueret : la lecture des Anciens à la lumière de l'esprit nouveau
- 2. Un foyer de culture greffé sur l'institution royale : la cour de Henri II
- 3. Versailles, théâtre de l'autorité royale
- 4. Une civilisation de la conversation : les salons
- 5. Mort et renaissance des foyers de culture
- 6. Vers un universalisme chrétien : le cénacle de La Chênaie
- 7. Châteaux et ateliers : les deux romantismes
- 8. Modernité et primitivité : le Bateau-Lavoir, les cabarets
- 9. Bibliographie
FOYERS DE CULTURE
Châteaux et ateliers : les deux romantismes
L'effet politique du retour des émigrés après Waterloo est tellement négatif qu'on en est venu à ignorer un impact culturel dont l'importance n'est pas niable : ouverture sur l'étranger et les langues étrangères, les littératures, et intérêt pour les institutions d'autres pays. Ajoutons que les anciens émigrés ont soif de racines, d'histoire, de sociabilité. Beaucoup d'entre eux retrouvent, à défaut de fortune mobilière, le château des ancêtres. À cela s'ajoute une préoccupation inconnue de leurs pères : la religion. La conversion de Chateaubriand n'a pas été un cas unique. De nombreux exilés sont de retour avec des convictions acquises dans le malheur, et qu'ils voudraient nourrir et faire partager. La plupart d'entre eux sont des autodidactes qui n'ont derrière eux que des études brèves et bouleversées. Les voici maintenant grands lecteurs. Ce mouvement de curiosité religieuse trouvera son lieu de prédilection au château de La Roche-Guyon. Sous l'impulsion du plus pieux des Rohan-Chabot, à qui ce domaine revient à la fin des troubles, et du non moins pieux Mathieu de Montmorency, on y fait des retraites spirituelles très fréquentées. C'est là que Lamartine a passé la semaine sainte de 1819, qu'il a écrit l'une de ses Méditations et puisé l'inspiration religieuse d'une partie de son œuvre. Il n'est d'ailleurs pas le seul à avoir fréquenté ce lieu de rencontre spirituelle : Montalembert, Dupanloup, l'avocat Berryer seront ses habitués, et même Victor Hugo, resté sur la ligne de partage des eaux jusqu'à la condamnation de Lamennais, qui lui a fait choisir son camp.
Les châtelains ont été les premiers, en France, à s'enthousiasmer pour les Méditations. Ils y trouvaient un mélange de nostalgie de l'enfance, d'amour de la nature et de religiosité diffuse qui correspondait à leur attente. Pendant le quart de siècle qui suivit, ils ne cessèrent de former la partie la plus réceptive et la plus enthousiaste de la poésie romantique. Chateaubriand l'avait bien vu : « Le changement de littérature dont le xixe siècle se vante lui est venu de l'émigration et de l'exil. »
Après 1830, la seconde vague du mouvement romantique va s'appuyer sur des relais culturels différents, où écrivains et artistes se rencontrent et manifestent côte à côte. Les générations nouvelles, écrivait avec mélancolie le Théophile Gautier vieillissant des années 1870, « doivent se figurer difficilement l'effervescence des esprits à cette époque : il s'opérait un mouvement pareil à celui de la Renaissance. Tout germait à la fois ». L'époque est celle de la bataille d'Hernani, cinq mois avant la révolution de juillet 1830. Gautier, étudiant des Beaux-Arts, appartenait de ce fait aux troupes mobilisées par Victor Hugo et recrutées surtout parmi les rapins en vue du combat qui se préparait. « On lisait beaucoup alors dans les ateliers », ajoute Gautier, qui explique les enthousiasmes littéraires des peintres d'alors par la fascination qu'exerçait sur eux tout ce qui avait trait à la Nature. « Pour nous le monde se divisait entre flamboyants et grisâtres. » Ainsi, « Diderot était un flamboyant et Voltaire un grisâtre, de même Rubens et Poussin ». Il y a là plus qu'une mode : l'affirmation d'une vision de l'univers culturel associée à un style de vie provoquant, et non dépourvu de connotations politiques, au sens le plus général du mot. Gautier récuse par avance tout rapprochement entre la couleur du gilet, arboré lors de la bataille d'Hernani, et le futur drapeau rouge. Mais en donnant des instructions à son tailleur sur la coupe du fameux vêtement, il précise : « Cela s'agrafe dans le dos, comme le[...]
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Écrit par
- Gilbert GADOFFRE : ancien professeur à l'université de Berkeley, professeur émérite à l'université de Manchester, fondateur de l'Institut collégial européen
Classification
Médias
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