- 1. Le collège de Coqueret : la lecture des Anciens à la lumière de l'esprit nouveau
- 2. Un foyer de culture greffé sur l'institution royale : la cour de Henri II
- 3. Versailles, théâtre de l'autorité royale
- 4. Une civilisation de la conversation : les salons
- 5. Mort et renaissance des foyers de culture
- 6. Vers un universalisme chrétien : le cénacle de La Chênaie
- 7. Châteaux et ateliers : les deux romantismes
- 8. Modernité et primitivité : le Bateau-Lavoir, les cabarets
- 9. Bibliographie
FOYERS DE CULTURE
Modernité et primitivité : le Bateau-Lavoir, les cabarets
Le Bateau-Lavoir, ce lieu de légende associé à la naissance de la peinture moderne, désignait un bâtiment vétuste, entrepôt de poutres, de planches et de ferrailles rouillées, flanqué d'un groupe d'ateliers d'artistes obscurs et délabrés. C'est là que quelques peintres, après 1904, avaient installé leurs ateliers : Picasso, Juan Gris, Brancusi, Modigliani, suivis par des écrivains tels que Max Jacob, Mac Orlan, Reverdy. Cette conjonction de fortes personnalités fit bientôt du phalanstère une ruche. Parmi les visiteurs les plus assidus, des peintres : Matisse, Braque, Dufy, Utrillo, Marcoussis ; des écrivains tels qu'Apollinaire, Jarry, Cocteau, Radiguet, Gertrude Stein ; des comédiens aussi : Dullin, Harry Baur. Aux premières années du xxe siècle, c'est toute la vie culturelle du dernier quart de siècle qui infusait dans la convivialité montmartroise. Et comme la pression économique était toujours là, les marchands de tableaux suivirent : Ambroise Vollard et D. H. Kahnweiler, qui surent gérer avec intelligence les rapports entre production, mécénat et publicité, et faire de la vente de la peinture moderne un marché spéculatif en progression continue.
Parmi les événements qui ont marqué l'existence du Bateau-Lavoir, il faut souligner l'importance du scandale provoqué par Les Demoiselles d'Avignon en 1907. Picasso avait alors vingt-six ans, et, face à un souvenir de son enfance catalane, reconstruit et médiatisé par d'autres souvenirs, notamment ceux du Bain turc d'Ingres et des masques nègres, ce furent d'abord des cris de protestation, y compris chez Braque et Matisse. Le miracle ne survint qu'en 1924 quand un amateur éclairé, Jacques Doucet, l'acheta un bon prix, sur le conseil d'André Breton. En treize ans, le mouvement cubiste avait eu le temps de naître et de disparaître, non sans laisser des traces, et c'est lui qui donnait une justification rétrospective à la représentation des prostituées d'Avinyó.
On a remarqué au passage l'intervention d'un écrivain, André Breton. Cette collaboration entre peintres et écrivains est en effet l'une des caractéristiques du Bateau-Lavoir. C'est un poète encore, Apollinaire, qui fut avec Picasso à l'origine du second grand événement de la vie du Bateau-Lavoir : le banquet en l'honneur du Douanier Rousseau. Parmi les invités, des peintres, comme Vlaminck, Braque, Marie Laurencin, et beaucoup d'hommes et de femmes de lettres : Max Jacob, André Salmon, Gertrude Stein, Warnod.
Si l'on cherche des points communs à tous ces jeunes artistes, on trouve non seulement la volonté de rupture caractéristique de toute école nouvelle, mais aussi une idée porteuse : l'association entre modernité et primitivité. C'est elle qui conduisit Picasso à collectionner des masques nègres ou à porter aux nues le Douanier Rousseau, Erik Satie à s'enthousiasmer pour la musique grégorienne et la musique populaire de cabaret, Jarry à s'inspirer du guignol et des farces de lycéen. Ajoutons à cela un certain humour noir qui tenait presque de la vision du monde. C'est cet humour qui créait les complicités et effaçait les barrières entre les disciplines, inspirant à Apollinaire son érotisme burlesque, à Brancusi ses combinaisons de symboles, à Cocteau sa désinvolture créatrice, à Picasso sa soif de renouvellement. Ce n'est pas par hasard qu'Apollinaire a voulu mettre en action dans Les Mamelles de Tirésias sa théorie sur la portée esthétique du rire, en traitant un thème austère sur le mode burlesque. De même qu'il n'y a rien de fortuit dans son choix, pour qualifier la pièce, de l'adjectif « surréaliste ». On le voit, le Bateau-Lavoir constitue l'un des anneaux de la chaîne qui part de la dérision baudelairienne[...]
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Écrit par
- Gilbert GADOFFRE : ancien professeur à l'université de Berkeley, professeur émérite à l'université de Manchester, fondateur de l'Institut collégial européen
Classification
Médias
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