FRANC-MAÇONNERIE
Le monde maçonnique contemporain
Les obédiences françaises
Produit d'une histoire contrastée, le paysage maçonnique français, fort d'environ 140 000 membres en 2007, est beaucoup plus divers que dans la plupart des autres pays du monde.
Deux obédiences le dominent historiquement : d'une part, le Grand Orient de France, créé sous ce nom en 1771, est l'obédience toujours la plus nombreuse, pratiquant majoritairement le rite français, et revendique l'héritage de la tradition républicaine et laïque du xixe siècle ; d'autre part, la Grande Loge de France, fondée en 1894 par le Suprême Conseil de France, puissance régissant les hauts grades du rite écossais depuis le début du xixe siècle. Dans les cinquante dernières années, la Grande Loge a pour sa part privilégié la dimension philosophique, éthique et initiatique de la franc-maçonnerie et pris ses distances avec l'engagement politique qui fut aussi sa marque sous la IIIe République.
Manifestant en France la césure internationale entre la maçonnerie « régulière » et les autres sensibilités maçonniques, la Grande Loge nationale française, établie en 1913, longtemps très minoritaire mais aujourd'hui numériquement importante, entend incarner le modèle maçonnique anglo-saxon. Deux obédiences en sont issues : en 1958 la Grande Loge traditionnelle et symbolique Opéra, et en 1968 la Loge nationale française.
Un troisième groupe d'obédiences exprime encore la spécificité française : celles qui admettent des femmes, lesquelles étaient exclues de la maçonnerie par les Constitutions de 1723, à la fois pour des raisons de décence et de statut civil. En 1894, à l'initiative d'une « femme républicaine », Maria Deraismes (1828-1894), une obédience mixte fut créée : le Droit humain. Elle a depuis lors donné naissance à un réseau international dont la branche française demeure le maillon le plus fort. Du Droit humain sont nées d'autres obédiences mixtes (la Grande Loge mixte universelle en 1973 et la Grande Loge mixte de France en 1982). À part, il faut mentionner la Grande Loge féminine de France, créée en 1945 et qui n'a acquis sa dénomination actuelle qu'en 1952 : c'est la plus ancienne et à ce jour la plus importante obédience entièrement féminine au monde.
La réalité est en fait plus complexe car on ne compte plus les micro-obédiences – notamment des « rites égyptiens » – et les loges qui se proclament « indépendantes » et que les grandes obédiences qualifient volontiers de « sauvages ». La situation qui en résulte a posé aux diverses obédiences des problèmes nombreux. L'un d'entre eux est notamment la difficulté, parfois, de reconnaître le caractère authentiquement maçonnique de groupuscules aux origines mal définies : le risque d'infiltration ou de dérive sectaire n'est en effet pas absent en pareil cas. Il faut y ajouter la déception de certains devant les querelles d'appareils et les ambitions carriéristes dont la maçonnerie ne sait pas toujours se protéger, notamment au sein des amicales de maçons dénommées « fraternelles », aujourd'hui de plus en plus contestées.
Géopolitique de la franc-maçonnerie
En dépit d'une légende tenace, il n'a jamais existé d'« Internationale maçonnique », ni d'autorité centrale universellement reconnue par tous les francs-maçons. Si la Grande Loge unie d'Angleterre assume dans une certaine mesure ce rôle dans la maçonnerie dite régulière, il ne s'agit tout au plus que d'une préséance morale et d'un statut honorifique.
Parmi les deux millions de maçons actifs que le monde est supposé compter aujourd'hui, la masse la plus importante est encore aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Toutefois, face aux mutations du monde contemporain, le modèle singulier d'une sociabilité maçonnique[...]
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Écrit par
- Roger DACHEZ : historien de la franc-maçonnerie, président de l'institut maçonnique de France
- Luc NEFONTAINE : docteur en philosophie et lettres, directeur de la chaire Théodore-Verhagen de l'Université libre de Bruxelles
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