FRANCE, archéologie
L’archéologie de la France métropolitaine s’est longtemps caractérisée par son retard par rapport à celle d’autres pays européens. Si ce décalage a fini par se résorber, au point que le nombre d’archéologues professionnels a été multiplié par sept depuis les années 1970 et que l’archéologie préventive, alors presque inexistante, représente désormais 90 % des fouilles, la situation n’est pas pour autant stabilisée. Sur environ 500 kilomètres carrés impactés chaque année par des travaux de construction et d’aménagement, seul un quart fait l’objet de sondages archéologiques préalables, conduisant éventuellement à des fouilles, alors que le potentiel archéologique est en France de plusieurs millions de sites de toutes époques. Et les moyens manquent souvent pour mener à bien l’étude et la publication des résultats de ces fouilles préventives.
Pourtant, l’archéologie connaît une grande faveur auprès du public, comme en témoignent les quelque 200 000 personnes qui se pressent chaque année lors du week-end de juin consacré aux Journées européennes de l’archéologie ainsi que le succès rencontré par les expositions.
Un passé longtemps mis de côté
Dans chaque pays, l’archéologie est l’un des moyens d’écrire son roman national. Celui-ci commence en général par une victoire – ainsi celle que le Germain Arminius remporte sur les légions romaines en l’an 9 de notre ère, ou encore l’appel à l’insurrection contre les troupes anglaises au son de la « Liberty Bell » à Philadelphie en 1776, qui mènera à l’indépendance des États-Unis.
L’histoire de France, elle, commence avec une défaite, celle d’Alésia, face aux Romains ; lesquels seront à leur tour défaits pas les Francs, qui eux-mêmes disparaîtront culturellement, ne laissant que leur nom de nation et quelques mots de francique dans la langue romane. Aussi les rois de France prétendaient-ils descendre d’un certain Francion, rescapé comme Énée de la guerre de Troie, qui inspira l’Iliade, véritable matrice de la littérature européenne. Les nobles, quant à eux, se réclamaient des Francs germaniques, et non des Gaulois soumis. Ce n’est qu’avec la IIIe République, née de la défaite de Sedan redoublant celle d’Alésia, et par son école publique que les Gaulois devinrent vraiment « nos ancêtres ». Mais, dans le grand musée du Louvre, au centre de Paris, contrairement à ce qui se fait dans toutes les autres capitales, il n’y a presque aucun objet issu du sol national – tout provient de l’Orient, de la Grèce ou de Rome, les véritables racines culturelles des élites françaises.
L’archéologie fut quasiment inexistante au Moyen Âge, au cours duquel les monuments romains étaient recyclés en carrières de pierre ou en sources de chaux, d’autant que la Bible était là pour retracer l’histoire de l’humanité. C’est avec la Renaissance et la redécouverte de l’Antiquité, tant monumentale que littéraire et intellectuelle, qu’apparaissent à Rome les premières fouilles préventives et les premiers musées privés sous l’égide de la papauté. L’intérêt est beaucoup moins grand en France, malgré quelques initiatives isolées comme l’ordonnance d’Anne de Montmorency, gouverneur du Languedoc qui, en 1548, interdit de détruire les vestiges antiques de Nîmes. Puis, la création en 1663 par Colbert de la « petite Académie », bientôt rebaptisée Académie des inscriptions et belles-lettres, témoigne d’un nouvel intérêt du pouvoir, bien qu’il soit davantage tourné vers l’Antiquité méditerranéenne. Au xviiie siècle, avec le comte de Caylus et l’abbé Bernard de Montfaucon, commencent les premiers inventaires systématiques et l’on signale au moins une fouille, celle de la sépulture collective mégalithique de Cocherel, en Normandie.
La montée d’un sentiment national est cohérente avec la Révolution.[...]
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
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