FRANCE, archéologie
Une législation très tardive
Dans le même temps, le pouvoir français n’était guère resté inactif à l’extérieur des frontières. Après l’expédition d’Égypte de Bonaparte qui permit indirectement à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes, après celle de Morée (l’actuel Péloponnèse) en 1829, après la conquête de l’Algérie à partir de 1830, puis le protectorat français sur le Maroc et la Tunisie à la fin du xixe siècle, le pouvoir se dote à chaque fois d’outils d’exploration archéologique. Paradoxalement, il institue dans ses colonies une législation qui fait du sous-sol archéologique une propriété publique, appuyée par une administration efficace. Il crée en 1846 l’école française d’Athènes, pratiquement le plus vieil institut archéologique du monde, puis celle de Rome en 1875, l’institut du Caire en 1880, en attendant l’école française d’Extrême-Orient à Saigon en 1898, la casa de Velázquez à Madrid en 1920, l’institut français d’archéologie du Proche-Orient à Amman, Beyrouth et Damas pendant le mandat français dans l’entre-deux-guerres et avant une dizaine d’autres. En France même, après une première loi imparfaite sur les Monuments historiques en 1887, une autre, plus complète et toujours en vigueur, est adoptée en 1913. On prévoit de lui adjoindre un volet archéologique, soumettant toute fouille à autorisation, projet qui échoue face à l’opposition des sociétés savantes. Une telle autorisation ne deviendra effective qu’en 1941, sous le régime de Vichy, législation cependant préparée sous le Front populaire et qui n’a de « vichyssoise » que la propriété des découvertes, partagées par moitié entre le découvreur (« l’inventeur ») et le propriétaire du terrain, contrairement au projet initial, aligné sur les autres pays. Ce n’est qu’en 2016 que le sous-sol archéologique français deviendra propriété publique.
L’administration mise en place en 1942 pour rendre cette législation effective est embryonnaire dans les premiers temps. La France est découpée en grandes circonscriptions avec, dans chacune d’elle, un « directeur des antiquités préhistoriques » et un autre « des antiquités historiques », bénévoles au départ (il s’agit souvent d’universitaires). Il faut attendre qu’André Malraux soit nommé ministre des Affaires culturelles pour que soit créé, en 1964, un Bureau des fouilles et antiquités, transformé plus tard en sous-direction de l’archéologie, avec à sa tête d’anciens coloniaux, avant qu’ils ne cèdent la place à des énarques à partir des années 1980. Par la suite, les « directions » se verront regroupées en un seul service régional de l’archéologie par région administrative, avec un conservateur régional à temps plein. Ces services seront appuyés par un Conseil supérieur de la recherche archéologique, composé d’experts archéologues nommés, et présidé par le ministre de la Culture. Le dispositif sera complété à partir de 1994 par six commissions interrégionales de la recherche archéologique (CIRA), plus proches du terrain, et qui seront renommées « territoriales » (CTRA) en 2017 après le redécoupage des régions. Il reste que, jusqu’à la fin des années 1970, les fouilles en métropole sont pour l’essentiel le fait d’archéologues amateurs sans moyens. Le ministère ne dispose en effet pour ces centaines d’opérations que de 2,5 millions de francs (somme à peu près équivalente en euros en 2025).
Cette misère ambiante suscite en 1975, à la demande du Premier ministre, la rédaction d’un rapport sur La Recherche française en archéologie et en anthropologie, confié à l’archéologue Jacques Soustelle. L’une des recommandations est celle de la création d’un Fonds d’intervention pour l’archéologie de sauvetage (FIAS) qui, en doublant les crédits du ministère, reflète la prise de conscience de l’ampleur[...]
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
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