FRANCE, archéologie
La lente mise en place de l’archéologie préventive
La pression des services archéologiques du ministère sur les aménageurs à partir des années 1980 conduit ceux-ci, dans un certain nombre de régions – notamment à Lyon grâce à l’archéologue Jacques Lasfargues ou en Lorraine avec Vincent Blouet – à commencer à financer les fouilles préventives nécessaires, qu’il s’agisse de carrières, de lignes de métro ou d’autoroutes. De même, dans la vallée de l’Aisne, un programme pluriannuel, appuyé par l’université de Paris-I et le CNRS, est mis en place. Toutefois, les contributions des aménageurs ne reposent encore sur aucune obligation légale, même si le Code de l’urbanisme prévoit depuis 1986 l’interdiction des travaux « si les constructions sont de nature, par leur localisation, à compromettre la conservation ou la mise en valeur d’un site ou de vestiges archéologiques ». Ces contributions sont même parfois qualifiées de « rackets » par certains aménageurs. Par ailleurs, ces apports financiers transitent par une structure d’emploi du ministère de la Culture, l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), qui n’est en rien une institution scientifique. Aussi des crises à répétitions émaillent-elles régulièrement la profession, avec manifestations, occupations de locaux culturels, tribunes dans la presse, relayées par une revue militante fondée en 1979, Les Nouvelles de l’archéologie, tandis qu’en réponse se succèdent par dizaines des rapports administratifs proposant diverses solutions – jamais appliquées…
C’est en 1998 seulement qu’une autre crise suscite un nouveau rapport, qui débouche cette fois sur la loi de 2001 relative à l’archéologie préventive. Ce texte législatif, qui s’appuie sur la convention de Malte signée en 1992 par l’ensemble des pays européens, stipule que « l'État veille à la conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social ». À ce titre, les aménageurs doivent financer les fouilles préventives ; la loi dicte par ailleurs la création d’un établissement public administratif dédié aux opérations de diagnostics et de fouilles, qui devra associer les autres institutions publiques de recherche souhaitant y participer (universités, CNRS, services de collectivités). Placé sous la double tutelle du ministère de la Culture et de celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), qui reprend les effectifs de l’AFAN, est fondé l’année suivante – le « de recherches » et non « des recherches » dans son intitulé indique qu’il ne peut se prévaloir d’un monopole de la recherche archéologique.
À peine mise en place, cette loi est fortement contestée par la nouvelle majorité parlementaire issue des élections de juin 2002. En effet, alors que le financement des fouilles par des aménageurs a relevé jusque-là d’une bonne volonté ponctuelle, il s’impose désormais à tous et sans négociation – comme dans de nombreux pays. La loi est donc remise en cause, entraînant par contrecoup d’importantes manifestations pour sa défense, dans la rue comme dans les médias. Ce bras de fer dure six mois et aboutit à un compromis l’année suivante sous la forme de nombreux amendements à la loi : les sondages (ou diagnostics) doivent être obligatoirement réalisés par l’INRAP ou des services publics de collectivités mais, dans l’éventualité où des fouilles s’imposeraient à la suite de ces sondages préliminaires (en général dans un quart des cas), elles devraient faire l’objet d’une mise en concurrence entre l’INRAP et des « opérateurs » agréés, structures publiques ou privées. Cette disposition reste fortement contestée puisque, dans le domaine de la recherche scientifique, ce n’est pas le moins-disant,[...]
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
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