FRANCE (Arts et culture) L'art public

Une nouvelle impulsion politique

Mais l'arrivée en 1981 de Jack Lang au ministère de la Culture, pendant la présidence de François Mitterrand, marque un véritable tournant dans l'histoire de la commande publique. Le ministre comprend très vite l'intérêt d'une procédure comme la commande publique qu'il va renforcer en affectant un fonds budgétaire important à la Délégation aux arts plastiques. Claude Mollard, en charge de l'organisme décisionnaire, la définit ainsi : « Il s'agit d'un outil pédagogique, elle installe l'art contemporain, y compris le plus innovant et le plus dérangeant dans l'espace public [...] si la commande est particulièrement provocante par le choix et le lieu où elle se situe, le débat d'opinion qu'elle suscite contribue à faire sortir l'art contemporain du monde et du marché de l'art pour le faire entrer dans l'art du temps. » Parmi les engagements du ministre, citons sa visite à Jean Dubuffet en 1983 pour lui passer commande d'une œuvre monumentale initialement destinée à la place d'Italie, à Paris. L'artiste propose la Tour aux figures, conçue en 1970, qui sera finalement construite (hauteur : 24 m) en 1988 sur l'île Saint-Germain à Issy-les-Moulineaux. Outre l'édification de la Tour aux Figures qui constitue un engagement majeur de la part de l'État, deux projets emblématiques, menés à bien à Paris, marquent cette période. L'Hommage à Arago (1994) de Jan Dibbets : une suite de 135 médaillons en bronze fixés au sol des trottoirs qui ponctuent l'axe nord-sud du méridien de Paris. Cette commande sur le modèle de l'œuvre commémorative – l'hommage posthume à un grand homme –, est une des sculptures publiques les plus convaincantes de la période.

Les Deux Plateaux commandés à Daniel Buren en 1986 pour la cour d'honneur du Palais-Royal ; la polémique qui a entouré ce projet symbolise la difficulté qu'éprouvent les Français à concilier patrimoine et modernité. Buren a surpris le public en prenant totalement possession du site par son œuvre. Plutôt que d'ériger une statue figée au centre de l'espace vide formé par la cour, il a joué sur le rythme, l'écho à l'architecture environnante, faisant du visiteur une véritable sculpture vivante dans son dialogue avec les colonnes.

Les projets suscités en province sont plus nombreux encore et attestent de cette nouvelle impulsion politique. Apparaissent les premiers partenariats et les conventions de villes avec Nîmes, Strasbourg, Amiens, Blois, quelques-unes des municipalités les plus soucieuses d'inscrire l'art dans la ville. La prise en compte de toutes les formes de la création (les arts plastiques, le design, le graphisme, la photographie, la musique, la scénographie, le mobilier urbain, la mode, les métiers d'art ou Internet) marque aussi cette nouvelle dynamique. Parmi les réalisations exemplaires de cette décennie, il faut citer : Ex-libris, J-F. Champollion, l'aménagement de la place des Écritures par Joseph Kosuth à Figeac (1994), le Mur des mots (1995) de Ben sur la façade du musée de l'Objet à Blois (devenu la Fondation du doute en 2013), l'œuvre lumineuse les Onze verticales pour un horizon (1994) de Michel Verjux sur les berges du canal à Clamerey en Bourgogne, les sculptures polychromes de Stephan Balkenhol à Amiens (1993), Between Fiction and Fact (1992) de Richard Deacon pour le musée d'Art moderne de Villeneuve-d'Ascq, l'Octagon for Saint-Eloi (1991) de Richard Serra à Chagny (Bourgogne). Mentionnons également le travail de réappropriation de lieux de mémoire collective dont témoignent aussi bien la mise en lumière d'un vestige de la métallurgie française à Uckange (Moselle) par Claude Levêque (2007) que Comme deux tours (1994) de Jean-Luc Vilmouth[...]