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FRANCE (Arts et culture) La langue française

Une langue plurielle

— Gérald ANTOINE

L 'évolution de la langue française depuis l'origine est généralement dessinée comme une marche vers l'unité. À l'origine, selon l'expression proposée par Alain Rey dans L'Amour du français, on a affaire à une « langue métissée » de latin, savant et populaire, et de diverses langues germaniques. Son unité commence à se configurer dès le viiie-ixe siècle, plus tardivement si on considère seulement les langues parlées, lieux de multiples variables. Un parler commun des dialectes du nord se dessine autour de l'anglo-normand, stabilisé par les milieux qui entourent la cour parisienne des rois de France. Dès lors se définit ce qu'on va appeler couramment le français, scellé au xvie siècle par l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) qui impose le français dans les décisions juridiques. Telle est la ligne dessinée par un de nos meilleurs linguistes, Bernard Cerquiglini.

L'âge classique tentera de définir un idéal d'unification soutenu par des institutions comme l'Académie française du cardinal de Richelieu, ou les publications des « Remarqueurs » puristes, fondées sur les banalités idéologiques que consacrera Rivarol en 1784 lorsqu'il remportera le prix au concours de l'Académie de Berlin, dans une dissertation qui restera un texte de référence. Les termes qui désignent cet idéal classique sont « raison » (soit l'ordre rationnel français rattaché au cartésianisme tenu pour un universel), « pureté » et « clarté ». Autant de notions dont le contenu reste imprécis, et qui se voient fondues dans un concept encore plus vague, celui de « génie » de la langue française, devenu l'expression sacrale de notre peuple. C'était confondre un idéal esthétique avec les structures de la langue, comme le remarque Henri Meschonnic, poète, traducteur et linguiste.

Cependant, dès le xviiie siècle interviennent de grands bouleversements, marqués surtout dans le vocabulaire, tels que les a analysés le tome VI de L'Histoire de la langue française de Ferdinand Brunot et tels que les présentait l'Encyclopédie de Diderot. Quels que soient, au xixe siècle les développements inscrits dans le romantisme et dans l'expansion industrielle et économique, les grands traits qui caractérisent le « génie de la langue française » sont maintenus et renforcés sous la IIIe République par la ténacité de l'école et d'un système d'enseignement centralisé que les réformes de Victor Duruy et Jules Ferry ne feront que confirmer et étendre à tout le domaine français. L'unité de la langue française, sa supériorité sur toutes les autres est un dogme qui s'impose aussi bien en France que dans l'Empire colonial ; les cinq Académies ont ici un rôle de résonateur. Comme le montrent Frédéric Duval, Gilles Siouffi et Alain Rey (Mille ans de langue française, 2007).

Le conflit mondial de 1939-1945, succédant à l'hécatombe de 1914-1918 et aux crises économiques de l'entre-deux-guerres change l'évidence des données. Même si la France jouit de cette exceptionnelle prospérité qu'on appelle les Trente Glorieuses, les États-Unis et l'U.R.S.S. affirment leur prééminence spécifique avec l'appui de leurs alliés. L'industrie se développe dans une logique de mondialisation qui entraîne de larges mouvements de population, stimulés par les nationalismes qu'affichent les conflits de libération nationale. Les communications se multiplient et s'accélèrent grâce aux systèmes informatiques et à la miniaturisation des moyens de transfert qui multiplient la transmission et l'échange des données.

Dès lors, l'école n'est plus le lieu privilégié du savoir. Pour ce qui concerne la langue, la France est sur la défensive et élargit ses bases. La loi Deixonne[...]

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François de Malherbe - crédits : Gamma-Rapho/ Getty Images

François de Malherbe

<em>L’Acte inconnu</em>, V. Novarina - crédits : Pascal Victor/ ArtComPress/ Bridgeman Images

L’Acte inconnu, V. Novarina