- 1. Le temps du muet
- 2. Les débuts d'une industrie
- 3. Naissance d'un cinéma d'auteur
- 4. Le choc du cinéma parlant et la Grande Dépression
- 5. La vague des réalismes
- 6. Le cinéma de l'Occupation
- 7. La reconstruction du cinéma français
- 8. La Nouvelle Vague
- 9. Une nouvelle donne pour le cinéma
- 10. Mutations et renouveau
- 11. Les années 1990
- 12. Les années 2000 : le temps de l’affirmation
- 13. Un cinéma pluriel
- 14. Une économie fragile
- 15. Bibliographie
FRANCE (Arts et culture) Le cinéma
Une économie fragile
Les Cahiers du cinéma voulaient mettre en évidence un renouveau attendu par d’autres voies que celle de la Femis, mais sans ostracisme, puisque Rebecca Zlotowski en est le pur produit, tournant son premier long-métrage directement à sa sortie sans passer par le court-métrage ! La revue rejoignait ainsi sa jeune consœur La Lettre du cinéma, réclamant un cinéma formellement inventif, recourant à la fantaisie ou au tragique, mais surtout se dégageant de « la grisaille des années 1990 ». Un temps critique aux Cahiers, Mia Hansen-Løve inscrit pourtant sa riche filmographie, ouverte à 25 ans avec Tout est pardonné (2007), sous l’influence de la psychosociologie esthétisante d’Olivier Assayas et Arnaud Desplechin. Mais elle ne sort pas de la Femis. Chargée de tous les maux par les adversaires du cinéma d’auteur, vilipendant intimisme et intellectualisme des « films de chambre », la Femis ne forme pourtant que 10 p. 100 des jeunes cinéastes de la génération 2000. Il est vrai qu’elle donne cependant le ton, et aide à tisser des réseaux (réalisateurs, scénaristes, chefs opérateurs et même comédiens) très utiles dans le métier. Il faudra pourtant en moyenne une bonne dizaine d’années à chacun (co-écriture, réalisation de courts-métrages…) avant que leur dossier scénario et dialogue obtienne l’avance sur recettes nécessaire au montage financier d’un premier long-métrage. Il en va de même pour ceux qui sortent de l’école Louis-Lumière, des écoles privées, des filières cinéma des universités ou qui sont issus directement de la profession.
Assez différenciées dans leur pédagogie, les écoles d’art et leurs sections vidéo commencent à fournir leur (encore petit) contingent de cinéastes. Parfois reconnaissables d’emblée comme travail de plasticiens (Valérie Mréjen, Virgil Vernier), leurs films s’inscrivent plus paradoxalement dans des genres codifiés (Sophie Letourneur dans le « film de filles », Clément Cogitore dans le film de guerre avec Ni le ciel ni la terre, en 2015, ou Philippe Parreno dans le portrait sportif avec Zidane, en 2006) auxquels ils apportent une relation renouvelée à l’image. Excentrique, Quentin Dupieux est un musicien électronique dont la filmographie, amorcée par un burlesque mâtiné de cinéphilie (on songe au Godard première manière), plonge dans un fantastique tour à tour délirant (Rubber, 2010) et halluciné (Réalité, 2014).
Hors de tout réseau, Jérôme Bonnell lâche des protagonistes sympathiquement déroutants dans des puzzles scénaristiques séduisants : J’attends quelqu’un (2007) ou À trois on y va (2015). Issu de la culture populaire, Alain Guiraudie signe d’abord cinq fables facétieuses de la région du Larzac (Du soleil pour les gueux, 2001) avant l’implacable L’Inconnu du lac (2013), à la dramaturgie glaçante.
D’une manière générale, on suivra avec beaucoup d’attention le cinéma des femmes qui, s’il ne représente encore qu’un quart de la production française, forme déjà un tiers de la génération 2000. Passée par la Femis mais demeurée comédienne, Emmanuelle Bercot révèle l’actrice Isild Le Bescot dès ses premiers films réalisés dans le courant réaliste, tourne avec Catherine Deneuve (Elle s’en va, 2013) puis, avec des non professionnels, un cinglant portrait de jeune rebelle (La Tête haute, 2015), tout en obtenant le prix d’interprétation au festival de Cannes dans Mon roi, de Maïwenn. Située elle aussi dans le créneau du vérisme adolescent, Céline Sciamma excelle dans la peinture généreuse de bandes de filles (Naissance des pieuvres, 2007) mais aussi des ambiguïtés sexuelles de l’adolescence (Tomboy, 2011).
Le rapport Pascale Ferran (Le Milieu n’est plus un pont mais une faille, présenté à la suite de la remise des césars 2007) dénonçait la disparition des films d’auteur « du milieu », au coût évalué entre 4 et 7 millions[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre JEANCOLAS : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
Classification
Médias