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FRANCE (Arts et culture) Le cinéma

Les débuts d'une industrie

En 1907, un « coup d'état » de Charles Pathé met fin au commerce du film vendu au mètre. Désormais, les films seront loués aux exploitants par l'intermédiaire de concessionnaires. Cette mesure, liée à la sédentarisation progressive des lieux de projection au cœur des villes, définit la structure ternaire – qui reste celle de la profession – en installant le distributeur entre le producteur et l'exploitant. Le cinéma s'engage alors dans la conquête du public cultivé. La Société du film d'art, créée en 1908 par Paul Lafitte, a pour but explicite de séduire les beaux quartiers. Son premier film, L'Assassinat du duc de Guise, en témoigne : le scénariste est un académicien, les acteurs sont empruntés à la Comédie-Française. Pathé lui répond en développant la S.C.A.G.L. (Société cinématographique des auteurs et gens de lettres) dont l'ambition est voisine, mais qui dispose de gros moyens et de dix ans de savoir-faire. L'expression « film d'art » a survécu à la faillite de Lafitte pour désigner un type de cinéma « littéraire », proposant des sujets historiques ou adaptés de romans classiques. Le film d'art a donné au cinéma une respectabilité, premier stade de sa reconnaissance en tant qu'art.

L'apogée de l'empire Pathé et du cinéma français est atteint entre 1908 et 1912. Pathé transforme quelques-unes de ses succursales en filiales qui produisent leurs propres films, à Moscou comme à New York. Dans les grandes villes, sa filiale Omnia ouvre des salles luxueuses dont le programme inclut le Pathé-Journal, ancêtre de la presse filmée. Gaumont connaît une expansion parallèle, et des firmes nouvelles apparaissent, comme Éclair à Épinay. Techniquement, économiquement, le cinéma français paraît solide. C'est en 1911 que l'Italien Ricciotto Canudo parle du cinéma comme du sixième art (il le déclassera au septième rang quelques années plus tard).

À partir de 1910, des acteurs et parfois des réalisateurs sont identifiés par une part croissante de spectateurs. La veine comique s'enrichit, Max Linder (1883-1925) dans ses rôles de mondain catastrophique s'impose comme la première vedette mondiale, applaudi par des foules excitées quand il se déplace dans les grandes capitales européennes. On adapte alors quantité de romans populaires, dont ceux de Zola et de Hugo, dans des productions longues (chez Pathé S.C.A.G.L., le Germinal d'Albert Capellani, en 1913, dépasse deux heures). Chez Éclair avec les films de Victorin Jasset (1862-1913) et chez Gaumont avec ceux de Louis Feuillade (1873-1925) commence la vogue du serial, policier teinté de fantastique social, traité en épisodes dont la sortie s'étire sur plusieurs mois. Le premier Fantômassort en mai 1913.

Même si, en 1912, la concurrence d'un cinéma américain qui monte en puissance depuis 1908 devient sensible jusque dans l'Hexagone, la prospérité des grands producteurs français n'est pas mise en cause jusqu'aux premiers mois de l'année 1914. Les premiers jours de la guerre, en revanche, vont avoir sur le cinéma français un effet dévastateur. Du jour au lendemain la production cesse, les studios ferment, comme la majorité des salles. L'activité ne reprend, timidement, qu'au début de l'année 1915 dans des studios improvisés dans le Midi : d'abord avec des films patriotiques qui lassent vite le public, puis avec un retour difficile à ce qui plaisait avant. Feuillade tourne Les Vampires en 1915 et 1916, la S.C.A.G.L. fait appel à André Antoine (1858-1943), l'homme du Théâtre-Libre, qui dirige ses trois premiers films pendant l'état de guerre. Il s'agit de fictions où se révèle l'intérêt de l'auteur pour le filmage du réel.

Les cinq années de la guerre ont un double effet sur le[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma
  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

Classification

Médias

L'Inhumaine, de M. L'Herbier, 1924, affiche - crédits : Collection privée

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Michèle Morgan dans <em>Remorques</em>, de J. Grémillon - crédits : Emmanuel Lowenthal/M.A.I.C/ BBQ_DFY/ Aurimages

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<em>Entre les murs</em>, Laurent Cantet - crédits :  Haut De Court/ The Kobal Collection/ Aurimages

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