- 1. Le temps du muet
- 2. Les débuts d'une industrie
- 3. Naissance d'un cinéma d'auteur
- 4. Le choc du cinéma parlant et la Grande Dépression
- 5. La vague des réalismes
- 6. Le cinéma de l'Occupation
- 7. La reconstruction du cinéma français
- 8. La Nouvelle Vague
- 9. Une nouvelle donne pour le cinéma
- 10. Mutations et renouveau
- 11. Les années 1990
- 12. Les années 2000 : le temps de l’affirmation
- 13. Un cinéma pluriel
- 14. Une économie fragile
- 15. Bibliographie
FRANCE (Arts et culture) Le cinéma
Naissance d'un cinéma d'auteur
On a longtemps mis en avant un cinéma de lettrés, né d'une réflexion dominée par l'œuvre écrite de Louis Delluc. Ce cinéma, quelques dizaines de films réalisés par Delluc lui-même (Fièvres en 1921, La Femme de nulle part en 1922), par Germaine Dulac (La Fête espagnole en 1919, d'après un scénario de Delluc), par Jean Epstein (Cœur fidèle, La Belle Nivernaise, tous deux en 1923), a été qualifié d'« avant-garde ». Il a marqué aussi une saison dans l'œuvre de deux réalisateurs majeurs du cinéma français qui avaient débuté pendant la guerre, Abel Gance et Marcel L'Herbier (1888-1979). Leurs films cherchent à inscrire des personnages complexes dans un environnement (l'espace, la lumière) qui rende compte de leur psychologie. L'avant-garde impose un cinéma soucieux de la forme. Cinéma élitaire, marginal sans doute, brocardé ou admiré, dont l'influence épisodique marquera le cinéma français jusqu'à Alain Resnais ou Marguerite Duras.
Cassée par la mort prématurée de Louis Delluc, cette forme de cinéma ne représente toutefois qu'une part infime de la production des années 1920-1930. Un autre foyer singulier a été celui des Russes de Montreuil. En 1919, une colonie d'émigrés russes conduits par le producteur Joseph Ermolieff s'est installée dans un ancien studio Pathé. Elle est devenue, en 1923, Albatros Films. En 1929, l'entreprise avait produit une cinquantaine de films. Marcel L'Herbier, avec Feu Mathias Pascal en 1924, Jacques Feyder (1885-1948), avec Gribiche en 1925, y ont donné quelques-uns de leurs meilleurs films. René Clair (1898-1981), qui avait débuté sous le signe de l'avant-garde, y réalise les comédies qui le révèlent au grand public, Un chapeau de paille d'Italie (1928) et Les Deux Timides (1929). Ermolieff et Albatros avaient produit surtout des films « russes », dirigés notamment par Alexandre Volkoff, avec des acteurs et des auteurs venus ensemble de Moscou, dont la perfection technique et l'élégance ont marqué le cinéma français. Kean (1923) et Casanova (1927), interprétés par Ivan Mosjoukine, en sont des témoignages majeurs. L'apport des décorateurs et des opérateurs russes sur le cinéma français sera considérable jusqu'aux années 1950.
En 1962, Georges Sadoul s'est montré sévère concernant la production courante des années 1920 : « En 1929, la production française, quinze ans plus tôt la première du monde, est tombée à cinquante grands films par an. Et presque tous ces films sont médiocres. » On peut contester ce jugement. Non que cette première partie de l'entre-deux-guerres ait été une grande saison. Elle est lourde de drames mondains, d'histoires d'hommes d'affaires ou d'aristocrates décavés, où l'amour, l'argent et la trahison animent des personnages en habit dans des décors de châteaux et de salons. Mais à côté de cette veine navrante qui n'avait aucune chance sur les écrans nationaux face à la production hollywoodienne, on a commencé à exhumer un cinéma populaire, rapide, parfois inventif, que les critiques de l'époque avaient négligé. Le spectateur populaire était resté fidèle au serial. Dans ce domaine, c'est la Société des cinéromans, financée par le patron de presse Jean Sapène, qui s'avère la plus productive. Les historiens récents ont eu la surprise de trouver dans L'Enfant-roi de Jean Kemm (1923) ou dans Fanfan la Tulipe de René Leprince (1925) une allégresse, un plaisir de filmer qui font cruellement défaut à la production « bourgeoise » des mêmes années.
Il faut aussi préciser qu'au-dessus de la morne plaine de cette production populaire, des œuvres ou des auteurs, dont certains étaient tombés dans l'oubli, ont été reconnus dès leur sortie ou réhabilités. Ainsi de [...]
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Écrit par
- Jean-Pierre JEANCOLAS : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
Classification
Médias