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FRANCE (Arts et culture) Le cinéma

Le cinéma de l'Occupation

Le régime de Vichy recèle des aspects moins honorables. Il ajoute sa propre censure à celle que les Allemands exercent à Paris. Le statut des Juifs signé par Pétain en octobre 1940 ampute le cinéma de nombreux producteurs, auteurs et techniciens, contraints à l'exil ou au silence de la clandestinité. D'autres quittent la France par refus de l'ordre vichyssois. René Clair, Jean Renoir, Julien Duvivier sont aux États-Unis, comme Jean Gabin et Michèle Morgan. Le pouvoir allemand investit dans le cinéma français, pour des raisons surtout économiques : il s'agit de produire en France des films de qualité dont les bénéfices alimenteront son économie de guerre. Le cinéma français, de 1941 à 1944, est mutilé et corseté.

Il entre pourtant dans une brève période qui est reconnue comme une des plus prospères et des plus brillantes de son histoire. L'année 1943 constitue à cet égard un millésime exceptionnel. Trois raisons à ce paradoxe : la grisaille de l'époque, la difficulté de voyager et la rareté des autres divertissements poussent les spectateurs vers les salles obscures ; la disparition des films américains, interdits par les Allemands, « libère » les écrans ; enfin pour une part notable de la production, les films mis sur le marché sont de qualité, exceptionnels parfois. L'exil de quelques-uns des grands noms de la profession ouvre la porte à une nouvelle génération, longtemps réduite à des tâches subalternes par la misère des années 1930. Claude Autant-Lara (1901-2000) avec Douce, Jacques Becker (1906-1960) avec Goupi Mains-Rouges, Robert Bresson (1901-1999) avec Les Anges du péché, Henri-Georges Clouzot (1907-1977) avec Le Corbeauamorcent entre 1941 et 1943 des filmographies qui couvriront plusieurs décennies après la guerre. Des films brillants, parfois pessimistes et méchants (Autant-Lara, Clouzot), que la censure allemande tolère tant qu'ils n'évoquent pas explicitement le présent (l'Occupation) ou la guerre. Parmi ceux qui sont restés, Grémillon signe Lumière d'été (1943) et Le ciel est à vous (1944), tandis que Carné, toujours avec Prévert, tourne en Provence Les Visiteurs du soir en 1942 et commence en 1943 Les Enfants du paradis, coproduit par une firme italienne qui se retire après la chute de Mussolini. Le film inachevé est repris par Pathé qui attend la Libération pour le sortir, en 1945.

En juin 1944, Becker termine le tournage de Falbalas dans un studio où les techniciens « volent » le matériel qui servira deux mois plus tard au tournage de La Libération de Paris. Bresson vient de commencer Les Dames du bois de Boulogne. Une continuité semble assurée.

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Écrit par

  • : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma
  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

Classification

Médias

L'Inhumaine, de M. L'Herbier, 1924, affiche - crédits : Collection privée

L'Inhumaine, de M. L'Herbier, 1924, affiche

Michèle Morgan dans <em>Remorques</em>, de J. Grémillon - crédits : Emmanuel Lowenthal/M.A.I.C/ BBQ_DFY/ Aurimages

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<em>Entre les murs</em>, Laurent Cantet - crédits :  Haut De Court/ The Kobal Collection/ Aurimages

Entre les murs, Laurent Cantet