Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

FRANCE (Arts et culture) Le cinéma

Une nouvelle donne pour le cinéma

Entre 1969 et 1985, le cinéma français qui s'était enrichi de quelques auteurs majeurs : Maurice Pialat (1925-2003) avec L'Enfance nue en 1969, Jacques Doillon, né en 1944, avec L'An 01 en 1973 et surtout Les Doigts dans la tête en 1974, Claude Sautet (1924-2000) avec Les Choses de la vie en 1970, Bertrand Tavernier, né en 1941, avec L'Horloger de Saint-Paul en 1973, ou Jean Eustache (1938-1981) avec La Maman et la putainen 1973, amorce une mutation qui pèsera lourd sur son existence même jusqu'à la fin du xxe siècle.

Cette mutation s'effectue d'abord sous l'effet de la télévision. En 1957, on comptait 442 000 téléviseurs déclarés en France. Ils sont 18,4 millions en 1985. Il existe une chaîne unique en 1957, deux en 1964, trois en 1973. La création de Canal Plus en 1984, chaîne privée liée à l'État par un cahier des charges qui l'implique lourdement dans la production cinématographique, et de nombreuses chaînes spécialisées, bouleversent tant la consommation que la production des films. Dès 1978, le Bureau de liaison des industries cinématographiques estimait que les films diffusés sur le petit écran étaient vus en un an par 4 milliards de téléspectateurs. La télévision, la cassette, le DVD ont changé le statut social des adeptes du septième art. Le nombre de spectateurs du samedi soir s'est considérablement clairsemé, mais aussi celui des amateurs de cinémas d'art et essai. Après 1975, les chaînes ont été autorisées à coproduire des films de cinéma. Quinze ans plus tard, elles sont devenues un agent majeur de production. La télévision a besoin des films, et le cinéma vit de l'argent de la télévision. Cette symbiose contrainte a des conséquences sur la nature même du produit cinématographique. Elle limite notamment l'autonomie de l'auteur.

Le cinéma évolue ensuite, contraint par une mutation du marché. En 1971, l'U.G.C., un parc de salles nationalisé en 1945, est privatisé et devient le noyau d'un réseau de quelque 300 cinémas. La concentration est à l'ordre du jour. Pathé et Gaumont unissent leurs salles dans un premier groupement d'intérêts économiques qui dépassera 450 salles en 1974. On construit des cinémas neufs, ou on transforme en « complexes » de cinq ou six écrans les vastes salles des années 1930. Le mouvement ne s'est jamais arrêté depuis trente ans : il s'agit toujours d'exposer le même film, le même jour, dans un maximum de salles, en phase avec une campagne de promotion étendue à tout l'Hexagone. Le cinéma entre dans l'ère de la grande surface : le premier multiplexe français ouvre ses 12 salles en 1993 à la périphérie de Toulon. Il y en avait 126 au début de 2005. Leur multiplication a bouleversé les règles de la distribution et, en amont, celles de la production. Au tournant du siècle, l'industrie du cinéma est en bonne santé.

— Jean-Pierre JEANCOLAS

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire, historien de cinéma, président de l'Association française de recherche sur l'histoire du cinéma
  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

Classification

Médias

L'Inhumaine, de M. L'Herbier, 1924, affiche - crédits : Collection privée

L'Inhumaine, de M. L'Herbier, 1924, affiche

Michèle Morgan dans <em>Remorques</em>, de J. Grémillon - crédits : Emmanuel Lowenthal/M.A.I.C/ BBQ_DFY/ Aurimages

Michèle Morgan dans Remorques, de J. Grémillon

<em>Entre les murs</em>, Laurent Cantet - crédits :  Haut De Court/ The Kobal Collection/ Aurimages

Entre les murs, Laurent Cantet