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FRANCE (Arts et culture) Le patrimoine

L'ancien ou le nouveau ?

Château de Chenonceau - crédits : De Agostini Picture Library/ De Agostini/ Getty Images

Château de Chenonceau

Les monuments historiques font l'objet d'un évident investissement de la part du public, qu'encourage le ministère de la Culture en organisant chaque année les Journées européennes du patrimoine. Succédant aux journées Portes ouvertes dans les monuments historiques créées sous le ministère Jack Lang en 1984, elles avaient attiré en 2005 pas moins de 12 millions de visiteurs pour 16 000 monuments et sites ouverts au public. Dès les années 1960, l'émission de télévision « Chefs-d'œuvres en péril » se donnait pour mission de sensibiliser les Français à leurs monuments. De nombreuses revues leur sont consacrées, et d'innombrables associations : touristiques (comme le Touring-Club de France, créé en 1890), militantes (ainsi, dès 1901, la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France), ou bien encore regroupant des propriétaires (telle La Demeure historique, en 1924, ou encore Vieilles Maisons françaises, en 1958) ; une fédération a en outre été formée en 1969 (Fédération nationale de sauvegarde des sites et ensembles monumentaux). À preuve également de cet intérêt, la fréquentation dont ils font l'objet : selon l'enquête sur les pratiques culturelles des Français, réalisée périodiquement par le ministère de la Culture, 32 % des Français déclaraient avoir visité un monument historique dans les douze derniers mois en 1981, 28 % en 1989 et 30 % en 1997 (date à laquelle ils étaient 71 % à déclarer en avoir visité un au cours de leur vie) – les plus visités étant, après la tour Eiffel (plus de 4 millions d'entrées annuelles), Versailles, le Louvre, le château de Chenonceau, l'arc de triomphe de l'Étoile, le Mont-Saint-Michel, les tours de Notre-Dame, le château de Chambord, la Sainte-Chapelle. Au total, les monuments historiques avaient accueilli plus de 15 millions de visiteurs en 1995.

Mais cet engouement pour les monuments historiques ne doit pas masquer pour autant les transgressions dont ils sont fréquemment les victimes. Il y a tout d'abord, bien sûr, la dégradation matérielle, notamment par les graffitis – mais cela ne signe-t-il pas aussi une certaine reconnaissance du pouvoir d'immortalisation du monument ? Par contre, le refus de reconnaître à un objet toute valeur historique est une forme beaucoup plus radicale – bien que moins spectaculaire d'opposition : soit par ignorance, lorsqu'un propriétaire détruit ou défigure un édifice dont la valeur lui échappe ; soit par souci de préserver ses intérêts privés, lorsqu'il se dérobe aux obligations imposées par le classement administratif. C'est le cas, fréquemment, avec le « nouveau patrimoine » (par exemple, les décors d'une centaine de boutiques parisiennes, protégées en 1983, ou encore le Fouquet's sur les Champs-Élysées, déclaré « lieu de mémoire » en 1988 afin d'être sauvé de la destruction) : autrement dit des objets qui, n'étant désignés au respect universel ni par l'évidence de leur valeur d'intentionnalité, ni de leur valeur historique, ni même de leur valeur d'ancienneté, n'ont une chance de susciter l'attitude esthète qui autorisera leur valorisation historique que par la mise à distance de leur fonction utilitaire. Or une telle mise à distance ne va pas de soi : elle est d'autant moins immédiate que l'on est moins doté de cette éducation cultivée qui permet, par exemple, de magnifier l'« ancien » des antiquaires là où, dans une perspective fonctionnelle, on ne verrait que le « vieux » des chiffonniers. « Le caractère achevé du neuf, écrivait Riegl, peut être apprécié par tout individu, même complètement dépourvu de culture. C'est pourquoi la valeur de nouveauté a toujours été la valeur artistique du public peu cultivé. »[...]

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