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FRANCE (Arts et culture) Les Français en question

La cuisine

On dit souvent que l'obstacle le plus radical qui empêche les Français de se sentir bien à l'étranger, c'est qu'ils sont incapables de manger d'autre cuisine que la française. Mais l'attachement à la cuisine « de maman » est un phénomène universel. D'ailleurs, la façon dont les mamans françaises font la cuisine aujourd'hui n'est plus celle d'hier : la cuisine française est en perpétuelle évolution, si bien que cette préférence exprime une nostalgie personnelle plutôt qu'un véritable goût national. L'un des mythes aujourd'hui répandus veut que la cuisine française ait toujours été merveilleuse, et que, pour bien la préparer, il faille revenir aux recettes d'antan. Mais, il y a deux siècles, la majorité des Français n'absorbait en moyenne que 1 700 calories par jour, régime qui les situerait aujourd'hui en queue de liste après la plupart des pays du Tiers Monde ; 15 p. 100 seulement de ces calories étaient d'origine animale. Jusqu'au début du xxe siècle, les trois quarts de leur alimentation étaient constitués de produits céréaliers. Le petit déjeuner traditionnel des Français était une soupe ; l'actuel petit déjeuner n'a été inventé que récemment ; la baguette, plus récente encore, a changé de forme et de couleur en l'espace d'une génération. Les Français se singularisent en exigeant d'avoir du pain à tous les repas, mais ce n'est plus qu'un vestige bien atténué de leurs anciennes habitudes, car la consommation de pain a baissé de moitié, ou presque, en quarante ans – encore les hommes en mangent-ils deux fois plus que les femmes. Certains légumes : navet, rutabaga, potiron, ont presque disparu de leur table. Les Français d'aujourd'hui consomment trois fois moins de légumes secs que leurs parents, pour qui c'était un aliment de base ; la pomme de terre, elle aussi, est en baisse. Il y a vingt ans, les sociologues échafaudaient de magnifiques théories afin d'expliquer pourquoi les Américains et les Britanniques mangeaient beaucoup plus de sucre que les Français, mais ceux-ci ont presque rattrapé leur retard et en consomment deux fois plus qu'au début du siècle. Ils boivent moins de lait frais que les Britanniques, mais en compensation mangent deux fois et demi plus de fromage ; ils consomment deux fois plus de fruits frais et de riz que les Britanniques, mais pour les autres postes de l'alimentation il n'y a guère de différence entre les deux pays. Les chiffres globaux, cependant, masquent le fait que chaque région conserve son identité : les Nordistes mangent plus de légumes que les autres, les Méditerranéens plus de fruits, les habitants du Sud-Ouest plus de céréales, et ceux du Centre-Est beaucoup moins de viande. D'ailleurs, les aliments en conserve, en poudre ou surgelés connaissent un succès croissant.

Les progrès de la restauration collective sont très marqués : 60 p. 100 des travailleurs de la région parisienne prennent maintenant leur repas de midi à la cantine.

On pense que, de toutes les cuisines nationales, la française est la plus strictement codifiée. Il est vrai qu'aucun autre pays n'a fait autant d'efforts pour édicter des lois et des principes dans ce domaine. Mais les plus grands cuisiniers ont été des artistes, des individualistes. Escoffier, qui rédigea un manuel où rien ne devait être laissé au hasard, estimait pourtant que ses préceptes ne s'appliquaient pas à lui. Le cuisinier, soutenait-il, n'a pas à imposer quoi que ce soit à ses clients : il doit à tout instant se plier à l'évolution des modes et des goûts. Citant Carême, il répétait qu'en cuisine il n'y a pas d'autre principe que la nécessité de satisfaire la personne pour qui on la prépare. C'est pourquoi la cuisine française ne cesse de changer, parce que son esprit est tout le contraire[...]

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