FRANCE (Histoire et institutions) Formation territoriale
L'évolution de la notion de frontière au XVIIIe siècle
Ralentissement de l'expansion territoriale
Si la France est engagée dans beaucoup de conflits au xviiie siècle, cela n'entraîne guère de modifications territoriales. Trois provinces, pourtant, sont réunies au royaume : la Lorraine, la Corse et les Dombes.
Les gouvernements français n'ont pas poursuivi un système prémédité d'expansion en Europe, alors que la volonté de développer l'empire colonial s'est nettement affirmée ; certains historiens ont dénoncé une « ère d'abandon et de refus », et beaucoup de contemporains n'ont pas compris les refus successifs opposés par Louis XV aux offres qui lui étaient faites de s'emparer des Pays-Bas autrichiens. Ainsi, au début de la guerre de la Succession d'Autriche (1741), Marie-Thérèse proposa à Fleury d'abandonner les Pays-Bas contre le maintien de la neutralité française ; sous l'influence du parti de la guerre dirigé à Versailles par le maréchal de Belle-Isle, cette négociation fut repoussée et la France prit la tête de la coalition anti-autrichienne. À la fin du conflit, en 1748, alors que les troupes françaises occupent Bruxelles et que l'Angleterre et la Hollande l'auraient sans doute permis, Louis XV renonce à conserver les Pays-Bas, moyennant l'évacuation par les Anglais des forteresses dont ils s'étaient emparés à l'embouchure du Saint-Laurent. Ni le maréchal de Saxe, qui conseillait l'annexion, ni l'opinion publique française ne purent convaincre le roi de France. Plus tard, lorsque le chancelier Kaunitz proposera de céder à la France les Pays-Bas autrichiens en échange d'une participation à la guerre contre les Turcs, Versailles ne saura pas profiter de l'occasion.
Les ministres français n'ont plus comme principal souci d'ajouter des provinces au domaine royal. Le marquis d' Argenson, secrétaire d'État aux Affaires étrangères de 1744 à 1747, écrit : « Ce n'est plus le temps des conquêtes. La France [...] a de quoi se contenter de sa grandeur et de son arrondissement. Il est temps enfin de commencer de gouverner après s'être tant occupé d'acquérir de quoi gouverner. » Et Vergennes, dans un mémoire de 1777, ne pense pas autrement : « La France, constituée comme elle est, doit craindre les agrandissements bien plus que de les ambitionner. »
Autre trait caractéristique de la politique internationale au xviiie siècle et des rapports entre les hommes et les souverains, l'époque connaît l'affaiblissement de la notion de « prince naturel ». Les hommes des siècles précédents en Europe occidentale croyaient que le souverain devait avoir un rapport étroit avec son État, un lien personnel conféré par l'appartenance à une famille anciennement possessionnée dans cet État, avec une communauté de langue et de tradition, la famille du souverain ayant forgé l'histoire du pays pendant des générations. Le monarque n'avait alors guère de peine à être reconnu comme le meilleur symbole de son État. Au xviiie siècle, la politique des « trocs » ne tient plus compte de cette ancienne réalité. Les grandes puissances attribuent les petits États européens à des princes souvent totalement étrangers aux trônes qu'ils reçoivent, au hasard des conférences et de l'équilibre des alliances.
Lorraine, Corse et Dombes
La France allait devoir la réunion de la Lorraine à des pratiques de ce genre. Au siècle précédent, les armées françaises avaient occupé le duché de 1634 à 1659 et de 1670 à 1697. Le roi de France y avait obtenu le passage de ses troupes vers l'Alsace et la politique des réunions avait commencé à entamer les terres lorraines. Une intendance et un parlement dans les Trois-Évêchés veillaient à conserver et au besoin à étendre les droits du roi dans cette[...]
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Écrit par
- Yves DURAND : chargé d'enseignement à la faculté des lettres et sciences humaines de Nantes
Classification
Médias