FRANCE (Histoire et institutions) L'État monarchique
Liberté, égalité, ces deux principes constituent, en 1789, les fondements de l'ordre nouveau, mais plus encore la négation radicale de l'ancien droit français, en ce qui concerne tant la conception de l'État que celle des droits individuels. L'explosion individualiste de la Révolution française a gagné toute l'Europe, tandis qu'elle a profondément retenti en France. Cette situation postule tout le contexte politique, économique et social du xixe siècle. Mais la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen d'août 1789 ne fait que consacrer de façon spectaculaire des principes qui, tout au long du xviiie siècle, trouvèrent de plus en plus de défenseurs, grâce surtout aux écoles du droit naturel.
Selon l'article premier de la Déclaration, « les hommes naissent libres et égaux ; les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ». Complément indispensable de l'égalité, la liberté assure sa réalité. Ces droits « naturels et imprescriptibles » sont conçus pour permettre à l'individu de se défendre contre le pouvoir, de résister à l'arbitraire des gouvernants. Cette préoccupation, essentielle en 1789, s'inscrit dans la ligne de la lutte des parlements de l'Ancien Régime contre l'absolutisme monarchique, elle deviendra l'une des constantes de la vie politique moderne en France. L'exaltation de la liberté est aussi le prélude à l'affirmation, dans le domaine économique, de la supériorité de l'initiative privée. Le droit de propriété figure en bonne place parmi les divinités de l'État républicain ; il est « inviolable et sacré » (art. 17 de la Déclaration). Le libéralisme économique, corollaire du libéralisme politique, est à l'origine des inégalités sociales qui marqueront, au xixe siècle, l'apparition du capitalisme industriel. L'ancien droit français repose sur la tradition. La monarchie française de droit divin fait du roi le représentant de Dieu dans le royaume. Il existe une mystique de la royauté qui s'est développée dans une véritable atmosphère religieuse ; elle conditionne autant la constitution monarchique de l'Ancien Régime prise dans son ensemble que son administration, plus technique, mais de formation tout aussi coutumière et qui met en œuvre des pouvoirs fondamentalement dévolus au monarque.
La constitution monarchique
La légitimité monarchique apparaît comme l'antithèse des systèmes démocratiques modernes qui sont fondés sur l'élection au suffrage universel. C'est le « sang » qui légitime la transmission du pouvoir royal. En réalité, le problème de la dévolution de la couronne est complexe, et la façon dont il a évolué est pleine d'enseignements.
Le roi, représentant de Dieu
Au début de l'époque franque (Mérovingiens), le roi considère le royaume comme son bien ; cette conception patrimoniale a pour conséquence, à la mort du monarque, le partage du royaume entre ses fils, les filles étant exclues comme elles le sont de la succession à la terre des ancêtres (terra salica). De son vivant, le souverain, chef militaire, jouit de l'autorité que lui confère son pouvoir personnel. Ses sujets, ou plus exactement ses guerriers, lui doivent personnellement obéissance, car ils lui ont prêté serment de fidélité et l'ont élevé sur le pavois. Le prestige de la dynastie mérovingienne vient de ce que son pouvoir est considéré comme issu de Dieu. Lors de l'usurpation des Carolingiens, le problème de la légitimité se posera donc en termes religieux.
En 751, le maire du palais, Pépin le Bref, se fait élire roi des Francs par l'assemblée des grands. Cette élection, dont le résultat était convenu d'avance, ne paraît offrir un support constitutionnel suffisant que dans l'immédiat. Elle entérine en fait[...]
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Écrit par
- Jehan de MALAFOSSE : professeur à l'université de Paris-II
Classification
Média