FRANCE (Histoire et institutions) Le droit français
Dynamiques actuelles du droit français
Pays de droit écrit, la France continue à développer un ordre juridique composé de normes générales dont beaucoup prennent la forme de textes législatifs et réglementaires. En dépit des limites imposées au domaine de la loi par les articles 34 et 37 de la Constitution, qui avantagent le domaine réglementaire, le Parlement reste appelé à voter le plus grand nombre des réformes d'ampleur du droit français. Le cas des lois référendaires (article 11 de la Constitution) est resté pour l'instant théorique : les référendums organisés ont presque tous porté sur la ratification de traités ou sur la modification de la Constitution. La réduction à cinq ans du mandat présidentiel en 2000 est le seul exemple depuis 1962 de révision constitutionnelle qui ne soit pas passée par le Congrès (la réunion des deux assemblées statuant à une majorité des trois cinquièmes).
Les sources de renouvellement
Avec un stock évalué à un peu plus de 8 000 lois en vigueur, le droit français est renouvelé chaque année par une moyenne d'une centaine de lois. Si le nombre de ces textes n'est pas lui-même en nette augmentation pendant la dernière décennie, la longueur moyenne de chaque loi a indubitablement connu une croissance qui alimente les dénonciations répétées de « l'inflation législative ». Quelques textes étonnent par leur taille et leur manque d'homogénéité, comme la loi sur les « nouvelles régulations économiques » (15 mai 2001, 144 articles), la loi de « modernisation sociale » (17 janvier 2002, 224 articles) ou la loi de « cohésion sociale » (18 janvier 2005, 153 articles). Comme dans la plupart des démocraties modernes, plus des quatre cinquièmes de ces lois émanent de projets du gouvernement. S'il ne faut pas sous-estimer le rôle de certaines propositions parlementaires, dont quelques-unes sont le fruit d'un travail consensuel entre parlementaires de partis opposés, et la part des amendements venus des membres des deux Assemblées, la production législative est, pour l'essentiel, le moyen pour l'exécutif de mener sa politique. À ce phénomène de politisation de la réforme du droit qui rend beaucoup de ces textes fragiles en les exposant à des modifications à la faveur des alternances de majorité, il faut ajouter le recours relativement fréquent ces dernières années à des ordonnances, c'est-à-dire à une législation déléguée (sur habilitation du Parlement en vertu de l'article 38 de la Constitution) qui permet au gouvernement de modifier des pans entiers du droit, y compris des parts importantes du Code civil (ordonnances du 4 juillet 2005 sur la filiation ou du 23 mars 2006 relative aux sûretés). En aval, le pouvoir réglementaire, sous forme de décrets du président de la République ou du Premier ministre, adopte environ un millier de textes par an par rapport à un ensemble stable autour de 100 000 décrets.
Cet empire de l'exécutif, particulièrement dans les cas où le président de la République dispose de « sa » majorité au Parlement, tend à diminuer le poids des garde-fous traditionnels de la séparation des pouvoirs (la minorité à l'Assemblée nationale a très peu de chances de pouvoir influer sur le cours de la procédure législative et la majorité au Sénat est, en raison du mode de scrutin à deux degrés, toujours à droite). Les dernières décennies ont vu, en revanche, se développer de nouveaux « concurrents » dans les processus de fabrication des normes. Le Conseil constitutionnel, créé en 1958 pour tenir le rôle de sentinelle à l'égard des tentatives du Parlement d'outrepasser son domaine de compétence, n'a guère rempli cette mission. Au contraire, à partir de la décision du 16 juillet 1971 sur la liberté d'association, il a donné un nouvel essor au contrôle de constitutionnalité des[...]
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Écrit par
- Jean-Louis HALPÉRIN : docteur d'État et agrégé d'histoire du droit, professeur à l'École normale supérieure
Classification
Médias