- 1. Les trois moments de la Révolution française
- 2. Finir la Révolution (1794-1830)
- 3. Consolider la Révolution (1830-1848)
- 4. Refaire la Révolution (1848-1880)
- 5. La Révolution contre la République (1880-1944)
- 6. La révolution industrielle
- 7. Les révolutions scientifiques
- 8. L'art et la révolution
- 9. Bibliographie
FRANCE (Histoire et institutions) Le temps des révolutions
L'art et la révolution
Durant ce long siècle et demi, il n'est pas jusqu'à l'histoire de l'art qui n'ait été frappée du sceau de la révolution. On peut ici distinguer deux ordres de faits.
Il y a, d'une part, la conséquence, dans le domaine artistique, d'innovations techniques majeures. C'est par exemple le cas de la photographie qui, à partir de l'invention du daguerréotype en 1839, conduisit à bouleverser les conceptions traditionnelles de la peinture, avec des conséquences qui allèrent des impressionnistes – le nom leur fut donné en 1872 – jusqu'à l'art abstrait apparu dans les années 1910. Mais c'est aussi le cas des progrès considérables de la presse périodique tout au long du xixe siècle et en particulier de ce qu'on a pu appeler la « révolution Girardin » de 1836, laquelle eut notamment pour effet de promouvoir le genre du roman-feuilleton, dans lequel s'illustrèrent Alexandre Dumas ou Eugène Sue dans les années 1840. Avec ce nouveau mode de consommation du roman apparurent les premières condamnations de ce que le critique Sainte-Beuve nomma alors la « littérature industrielle ». Par la suite, la diffusion de nouvelles formes culturelles, depuis le café-concert jusqu'aux spectacles sportifs en passant par l'affiche, le cinéma ou la radio, engendra de vives accusations contre toute une modernité stigmatisée, à partir des années 1930, sous l'appellation de « culture de masse ». Dans tous ces cas, c'est la conception même de l'art qui devait être chaque fois précisée en fonction des révolutions apportées par le monde moderne.
D'autre part, la succession rapide des courants esthétiques – romantisme, réalisme, symbolisme, naturalisme, surréalisme – n'est pas sans lien avec le goût de l'époque pour la révolution politique. De Victor Hugo affirmant, à la fin des années 1820, que « le romantisme, c'est le libéralisme en littérature » à La Révolution surréaliste d'André Breton un siècle plus tard, l'activité artistique, si elle ne saurait se résumer à cela, fut volontiers mise en relation avec la passion révolutionnaire. L'engagement politique, depuis l'ultra Chateaubriand jusqu'au communiste Aragon, fut fréquent chez les artistes et les écrivains. Avec l'affaire Dreyfus, et tout particulièrement l'engagement d'Émile Zola, apparut même la catégorie d'intellectuels pour désigner ceux qui, issus de leurs rangs, prenaient momentanément parti pour une cause politique.
Bien sûr, tout cela n'empêcha pas une grande partie des artistes de demeurer à l'écart des débats politiques de leur temps comme des conséquences culturelles des innovations techniques. De la même façon, il n'est pas question de rapporter l'ensemble des évolutions scientifiques, économiques ou sociales des années 1789-1944 à une série de révolutions incontestables. Les choses sont toujours, dans le détail, infiniment nuancées. Il n'empêche que, à bien des égards, l'histoire de la France de cette période-là fut bien dominée par la question de la révolution ; celle-ci, loin de n'être qu'un concept politique, fut bien plus largement une façon de voir le monde, qui fut structurante pour les Français de la fin de l'Ancien Régime aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale.
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Écrit par
- Sylvain VENAYRE : professeur d'histoire contemporaine à l'université Grenoble Alpes
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Médias