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FRANCE - L'année politique 1996

Demain, la monnaie unique

Constamment réaffirmé, dans son principe comme dans ses conséquences, l'objectif découle du traité de Maastricht de 1992, mais il a été confirmé par le président de la République à la fin de 1995. Par rapport à cet objectif essentiel, les autres sont secondaires. Cette hiérarchie implique bien un choix politique de fond, une construction volontariste. Elle n'en comporte pas moins nombre d'ambiguïtés. La moindre d'entre elles n'est pas que les clivages qu'elle suscite n'obéissent ni à une logique droite-gauche, ni même majorité-opposition. Elle divise les formations souterrainement, à l'intérieur d'elles-mêmes, comme au demeurant l'ont fait depuis un demi-siècle les choix européens.

L'objectif essentiel que constitue la réalisation de la monnaie unique justifie les contraintes imposées à la société française, d'autant plus durement ressenties que leurs contreparties paraissent incertaines et équivoques.

Les contraintes sont avant tout économiques et financières : réduction des déficits publics, limitation des dépenses, augmentation de la pression fiscale, maintien d'une monnaie forte. Dans ces conditions, les licenciements se multiplient, la croissance est réduite. En dépit des pansements sociaux – ou grâce à eux – le chômage apparaît pour cette politique non plus comme un problème mais comme une solution : il pèse sur le niveau des salaires, il garantit la paix sociale par la crainte du lendemain.

Cette politique ne fait l'objet que de critiques en demi-teinte, tant l'idée de sa nécessité est répandue. Cela est si vrai que l'annonce d'une baisse de l'impôt sur le revenu en 1997 n'est guère prise au sérieux. Au fond, le corps politique français a intériorisé l'idée de la monnaie unique, et il l'a fait en 1996. Ceux qui la contestent sont des marginaux, ou alors ils ne le font que de manière périphérique : avec Philippe Séguin ou Laurent Fabius, ils souhaiteraient que l'on parle plus fermement à l'Allemagne ; avec Valéry Giscard d'Estaing, ils voudraient que l'on remette en cause la parité franc-deutsche Mark, ou encore la parité euro-dollar. Mais ces objections demeurent isolées, et la réponse du sommet européen de Dublin (13 décembre) est un «  Pacte européen de stabilité et de croissance » qui renforce encore les exigences du traité de Maastricht. On observe au surplus que le clivage ancien des pro- et anti-Maastricht n'est plus pertinent, ce qui confirme l'irréversibilité des choix référendaires.

Les ambiguïtés sur la portée de cette révolution ne sont cependant pas levées. On peut y voir – et l'on y voit le plus souvent de façon négative – une nouvelle société en perspective, qui serait progressivement soumise aux contraintes de la mondialisation, avec la fin de l'État-providence, du service public à la française, avec la précarité de l'emploi, la destruction des classes moyennes. L'intégration européenne ne serait qu'un alibi, permettant seule de faire accepter, de façon détournée, ce qu'aucun gouvernement national ne serait assez puissant pour imposer. Ce sont ces craintes que le président Chirac fustige à la télévision, le 12 décembre 1996, lorsqu'il dénonce le conservatisme de la société française.

Mais on peut aussi y chercher, de façon plus volontariste, l'annonce d'une nouvelle puissance dans un cadre européen consolidé, de nature à résister à l'hégémonie américaine en imposant à celle-ci un partenariat. L'identité nationale est suffisamment forte pour ne pas être menacée et devrait s'épanouir plus que se dissoudre dans un ensemble renforcé et élargi. Diverses expériences ont montré, en 1996, que la France seule ne pouvait se heurter aux États-Unis : au Proche-Orient, en Afrique, dans ses relations avec[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit public à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas

Classification

Média

La réponse au plan Juppé - crédits : Steve Eason/ Hulton Archive/ Getty Images

La réponse au plan Juppé