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FRANCE L'année politique 1997

La droite embarrassée

À la fin de l'année 1997, la droite restait en état de choc et n'avait pas digéré sa défaite. Des mouvements de personnes ont certes affecté les états-majors, chaque dirigeant essayant déjà de se placer en vue de la présidentielle de 2002, mais aucune recomposition d'envergure ne se profile en son sein. Au-delà des critiques adressées aux premières mesures du gouvernement de gauche, aucun projet mobilisateur ne paraît se dessiner. La perspective d'un nouvel échec aux élections régionales de mars 1998 aggrave encore l'attentisme de la droite, voire sa tétanisation.

La principale évolution s'est produite au sein du R.P.R., avec la prise de pouvoir rapide de Philippe Séguin et la démission forcée d'Alain Juppé. Toutefois, plutôt que de créer un mouvement nouveau et traduisant une sensibilité unique, Philippe Séguin devait choisir de faire figurer dans l'équipe de direction l'ensemble des sensibilités. En particulier, Nicolas Sarkozy, principal lieutenant d'Édouard Balladur, obtint le poste sensible de coordonnateur et de porte-parole, la fonction de secrétaire général étant de facto supprimée. Charles Pasqua, quant à lui, quoique président du mouvement Demain la France, devenait conseiller du président en charge de la réforme des statuts. Le nouveau R.P.R. ménageait ainsi un subtil équilibre entre les courants – y compris juppéistes et chiraquiens – à l'intérieur de sa direction.

Les lendemains consensuels de cette prise de pouvoir énergique ont pu surprendre. Ils ont contribué à brouiller l'image du R.P.R. mais aussi celle de son président, qui avait habitué à des prises de position plus audacieuses. La cohabitation de courants divers (européen et nationaliste antimaastrichtien, social et libéral) contrarie une perception unifiée du parti par l'opinion et laisse planer un doute sur sa possible rénovation. La présence, à l'intérieur du R.P.R., d'adversaires de son président, prêts à le déstabiliser le moment venu, constitue de plus une menace qui pourrait conduire ce dernier à regretter de ne pas avoir construit un parti plus homogène.

Au sein des autres composantes de la droite, la situation ne paraît guère évoluer. Certes, Alain Madelin a remplacé François Léotard à la tête du Parti républicain, devenu Démocratie libérale, ce qui lui a donné une inflexion plus libérale. François Bayrou, président de Force démocrate, a également récupéré la présidence du groupe U.D.F. à l'Assemblée nationale, François Léotard gardant toutefois la présidence d'une confédération vidée de sa substance. Même le Parti radical a changé de dirigeant, avec l'élection de Thierry Cornillet à sa tête. Mais ces mouvements d'hommes ne pouvaient avoir d'impact sur l'opinion.

Au-delà de son manque d'homogénéité doctrinale et des conflits de personnes, la droite classique paraît coincée entre un gouvernement dont la communication tranche, par son efficacité, sur celle de l'équipe précédente et un Front national qui, d'élection en élection, consolide ses positions. La droite peut bien attaquer le gouvernement sur la fiscalité, le budget, l'immigration ou la politique familiale, mais, en raison de sa gestion précédente, il n'est pas avéré que de tels propos puissent être entendus. S'ils peuvent rencontrer l'insatisfaction de certaines catégories sociales, ils ne définissent pas l'armature d'un projet. Toutefois, c'est du Front national que vient la principale menace. Selon de nombreux analystes, la droite se trouve devant le dilemme suivant : soit conclure avec lui des alliances électorales qui ruineraient son crédit et sa dignité, soit récuser tout accord et voir ses positions laminées lors des élections locales, notamment régionales. Sur certains thèmes comme l'immigration, voire la famille et la défense des valeurs traditionnelles, une[...]

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Écrit par

  • : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris

Classification

Média

Lionel Jospin - crédits : Pierre Boussel/ AFP

Lionel Jospin