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FRANCE L'année politique 1998

Incertitudes de la gauche plurielle

Après des débuts marqués par une communication excellente, et malgré une cote satisfaisante dans les sondages de Lionel Jospin, qui aura résisté mieux que les autres Premiers ministres à l'épreuve du pouvoir, l'année 1998 a vu s'amplifier, surtout au cours du second semestre, les contestations des composantes non socialistes de la majorité plurielle et s'amorcer quelques hésitations dans l'art de gouverner. Si les débats autour de la proposition de loi relative au Pacte civil de solidarité (Pacs), malgré une réticence des députés socialistes, ont révélé la persistance d'un clivage gauche/droite, la régularisation limitée des immigrés sans papiers, les dispositions fiscales de la loi de finances, la politique économique en général, les mesures en faveur des plus démunis et des chômeurs, la lutte contre l'insécurité, l'avenir du secteur public et la reprise des privatisations, voire la ratification du traité d'Amsterdam, ont été des sources de tension au sein de la gauche. Nés de causes multiples, le report du projet de loi sur l'audiovisuel, perçu comme un désaveu de la ministre de la Culture et de la Communication, les débats autour de la proposition de Pacs, dont l'adoption devait être repoussée à 1999, mais aussi la renonciation à une réforme du mode de scrutin aux élections européennes, l'enlisement des projets de limitation du cumul des mandats et la lenteur de la réforme de la justice ont contribué à affaiblir le gouvernement. À cela s'ajoutent les incertitudes sur le comportement des marchés financiers, la croissance future et la diminution du chômage. Celui-ci ne paraît pas endigué et l'opinion ne croit pas à un impact significatif des mesures gouvernementales (réduction du temps de travail, emplois-jeunes). Le développement de mouvements sociaux (lycéens, cheminots, chômeurs) accentue le malaise.

Si les difficultés gouvernementales sont le lot de toute équipe au pouvoir, elles ne peuvent qu'accroître les tensions d'un parti socialiste dominant avec ses alliés verts et communistes. Ceux-ci se sentent négligés et ils s'estiment enrôlés dans l'application d'un programme politique où leur base éprouve des difficultés à se reconnaître. De surcroît, le développement de l'extrême gauche et de mouvements civils de contestation – sans-papiers, chômeurs –, ajouté à des scores électoraux stagnants, voire en régression, leur fait craindre, surtout au Parti communiste, de perdre leur clientèle traditionnelle.

Dès lors, le thème du « deuxième souffle » du gouvernement Jospin est devenu d'actualité en 1998. Il concerne à la fois la méthode et le contenu. La première s'apparente en grande partie à la méthode Rocard, pédagogique, progressive et fondée sur la concertation, marquée par l'affirmation de la transparence et de l'accord entre les discours et les actes. Or, en face des obstacles, cette façon de gouverner est apparue parfois insuffisante : elle conduit à différer le moment d'agir et peut donner l'impression d'une détermination insuffisante, voire d'une hésitation ; elle crée aussi un soupçon de faiblesse et de pusillanimité.

Sur le fond, l'interrogation est plus forte encore et concerne tant le chef du gouvernement que le P.S. Une fois le programme du candidat Jospin accompli (trente-cinq heures, emplois-jeunes, loi contre l'exclusion, quelques incitations à la consommation) ou différé et amendé (cumul des mandats, place des femmes dans la vie publique), restent à définir d'autres thèmes mobilisateurs, et ce dans un contexte où d'autres questions surgiront de manière pressante pour la gauche. Quelles marges de manœuvre pour une politique de gauche dans le cadre de l'union économique et monétaire ? Comment concilier la poursuite des privatisations[...]

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Écrit par

  • : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris

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