FRANCE L'année politique 2002
Les deux cents jours du gouvernement Raffarin
Une fois le paysage politique dégagé par les élections législatives, qui donnaient au gouvernement une majorité parlementaire large, ce dernier pouvait se mettre au travail avec la perspective de cinq années devant lui. La cote de popularité élevée du Premier ministre, l'approbation, au-delà de son propre camp, des mesures décidées par le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, l'équilibre voulu par le ministre du Travail, des Affaires sociales et de la Solidarité, François Fillon, entre l'assouplissement des 35 heures et le maintien de certains acquis sociaux, voie moyenne entre les demandes du Medef et les revendications de certains syndicats, permirent au gouvernement de bénéficier d'une présomption de sympathie, d'efficacité et de pragmatisme. Il s'attaqua aussi, avec plus d'énergie que ses prédécesseurs, au problème dramatique de la sécurité routière. La droite, au gouvernement comme au Palais-Bourbon, a également réussi à prendre la gauche à contre-pied, par exemple sur la régularisation des sans-papiers, le vote des étrangers aux élections locales et la double peine. Le gouvernement est également parvenu à éviter des conflits sociaux ou sectoriels majeurs, dans les grands services publics, chez les transporteurs routiers, dans l'enseignement et dans le monde agricole.
En même temps, l'action des premiers mois reste marquée par certaines inconnues quant au futur. Au-delà de quelques discordances dans la communication du gouvernement, notamment sur la baisse de l'impôt sur le revenu, sur le taux de croissance prévu pour 2003 ou sur les rapports entre police et justice, au-delà de dissonances entendues lors de l'élection au perchoir du candidat soutenu par l'Élysée, Jean-Louis Debré (contre Édouard Balladur auquel s'étaient d'abord ralliés 40 p. 100 des députés de droite), le gouvernement sait que certains dossiers potentiellement chauds sont devant lui. Instruit par l'expérience malheureuse du gouvernement Juppé en 1995, il a refusé de s'en saisir dès sa prise de fonctions, préférant user d'une méthode fondée sur la prudence, la modestie, l'explication et le dialogue, comme l'illustre le discours de politique générale du 3 juillet 2002. L'année 2003 devait ainsi être celle d'une réforme des retraites que Lionel Jospin avait différée, s'attirant la critique de l'opposition d'alors. La réforme de l'État, qui était au cœur du programme du candidat Jacques Chirac, n'en est qu'à ses balbutiements et le gouvernement devra notamment engager une politique de réduction des recrutements de fonctionnaires au moment où ceux-ci seront plus nombreux à partir à la retraite. La réforme des grands services publics – E.D.F. et G.D.F. notamment – constituera aussi une source possible de conflits. Enfin, la décentralisation, dont la première étape sera le vote en 2003 d'une loi constitutionnelle par le Parlement réuni en Congrès – la voie référendaire ayant été finalement écartée –, devra donner lieu à des lois organiques et à des lois simples d'application. Si le sujet est technique et peu mobilisateur pour le grand public, certaines dispositions de ces lois engendreront des polémiques. Enfin, la perspective de l'élargissement de l'Union européenne, dès 2004, à dix nouveaux membres, nécessitera un travail d'explication pour en exposer les objectifs, en mesurer les implications et dissiper les craintes qu'il peut engendrer. La révision à la baisse qui devra être faite des perspectives de croissance, les difficultés économiques de nombreux secteurs et la possible reprise du chômage rendront le contexte de l'action gouvernementale de plus en plus compliqué.
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Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
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Médias