FRANCE L'année politique 2003
Année sans élections, 2003 ne fut pas politiquement paisible en France. Encore marquée par le choc de l'élection présidentielle de 2002, elle fut aussi animée par la préparation des échéances électorales de 2004 (régionales et européennes avec un nouveau mode de scrutin issu de la loi du 11 avril 2003, cantonales et sénatoriales) et par l'aiguisement des rivalités dans la perspective de la présidentielle de 2007. Alors que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin voit sa cote de popularité s'effondrer – malgré un léger redressement en toute fin d'année – et que des dissensions apparaissent au sein de la majorité, la gauche peine à refaire son unité et subit la concurrence de l'extrême gauche. L'extrême droite, quant à elle, continue à séduire de larges franges de l'électorat. Cette année voit aussi les contestations des réformes s'exacerber, tandis que le débat sur la laïcité agite le pays.
Une gestion gouvernementale contestée
Si, pendant les premiers mois de l'année 2003, malgré un scepticisme sur la portée de certaines réformes, notamment celle de la décentralisation, le Premier ministre continue à bénéficier d'opinions largement positives, un renversement s'opère à la fin du premier semestre, lors de la réforme des retraites, et surtout depuis la rentrée de septembre : début décembre, 29 p. 100 seulement des Français lui font confiance, soit une baisse de 29 points depuis le début de l'année (enquête Sofres-Figaro Magazine). Malgré un léger rétablissement opéré avant Noël (+ 5 points de confiance), le Premier recueille encore, à la toute fin de l'année, 61 p. 100 d'opinions négatives, contre 38 p. 100 de jugements positifs (baromètre C.S.A.- La Vie- France Info). Ni la référence à « l'esprit de mai » qui soufflait un an plus tôt, ni l'agenda pour 2006 présenté le 23 septembre 2003 ne renversèrent cette tendance. Certes, une telle érosion est classique. Poste le plus exposé, celui de Premier ministre est, plus que tout autre, sensible au malaise de l'opinion. Il reste que la cote de popularité de Jean-Pierre Raffarin est descendue à des niveaux que seuls, avant lui, Alain Juppé et Édith Cresson avaient dépassés en des délais brefs. Une série d'événements y ont concouru. Si le principe d'une réforme des retraites était largement accepté au-delà de la droite, la stratégie n'a pas convaincu. L'insuffisance des mesures adoptées pour résoudre définitivement les conséquences du déséquilibre démographique entre cotisants et bénéficiaires mais aussi le sentiment de possibles injustices ont obéré la perception de la réforme votée en 2003. L'importance des manifestations, la division syndicale, la jonction mal maîtrisée avec les projets de réforme de l'Éducation nationale, la permanence des incertitudes pour l'avenir ont fragilisé le Premier ministre. Peu après, au cours de l'été, l'incapacité à apporter une solution au conflit des intermittents du spectacle, qui conduisit à l'annulation de nombreux festivals, fut perçue comme un signe de faiblesse et la marque d'une stratégie sociale peu claire.
Dans ce contexte est intervenu ce qui a été souvent jugé comme une accumulation de maladresses de la part du gouvernement : le déremboursement de certains médicaments, la baisse de la rémunération du livret A, une attitude jugée trop lointaine lors du drame de la canicule, dont le bilan final devait s'élever à quelque 15 000 victimes, l'augmentation du forfait hospitalier, mais aussi les libertés prises avec les règles d'un Pacte de stabilité pourtant voulu par le président de la République en 1996, qui devaient donner l'impression d'une absence de maîtrise des finances publiques, la hausse anticipée des impôts locaux dans le cadre d'une décentralisation incomprise, la baisse[...]
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Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
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