FRANCE L'année politique 2004
Alors que l'année 2003, en France, n'avait connu aucune élection, 2004 en vit quatre : cantonales, régionales, européennes et sénatoriales. Celles-ci traduisirent toutes une progression marquée de la gauche, principalement socialiste, et témoignèrent du mécontentement de nombre d'électeurs envers le gouvernement. Au-delà des résultats, les deux camps ont porté au jour leurs propres divisions : la droite, avec la double rivalité entre l'U.D.F. et l'U.M.P., d'une part, et entre le président de la République et Nicolas Sarkozy, d'autre part, dans la perspective de l'élection présidentielle à venir, sans parler des critiques internes envers le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin ; le P.S., avec des prises de position de la part de différents postulants à la candidature en 2007 et l'expression de divergences lors du référendum interne sur le projet de traité constitutionnel européen. De telles dissensions n'épargnent d'ailleurs ni les Verts, ni le Front national.
Le choc des régionales
Premières élections depuis 2002, les élections régionales des 21 et 28 mars 2004 se traduisent par une victoire sans appel du Parti socialiste, dont l'impact fut amplifié par les nouvelles modalités du scrutin : deux tours, 10 p. 100 des suffrages exprimés pour accéder au second tour, 5 p. 100 des suffrages exprimés pour être autorisé à fusionner en vue du second tour et 5 p. 100 pour être admis à la répartition des sièges, prime majoritaire au second tour avec l'octroi de 25 p. 100 des sièges à la liste arrivée en tête. Alors que le P.S. ne détenait que deux régions métropolitaines en 1986 et 1992, et huit en 1998, il se retrouve à la tête de vingt d'entre elles sur vingt-deux à l'issue des élections de 2004, trois régions d'outre-mer sur quatre étant désormais dirigées par la gauche.
L'extrême droite continue à progresser au premier tour par rapport à 1998, même si le mode de scrutin, combiné à la volonté de certains électeurs de « voter utile », conduit à une diminution des sièges occupés par le Front national. S'il recule légèrement au premier tour dans les terres où il était traditionnellement bien implanté (Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes), le F.N. progresse néanmoins au second tour dans quatre régions (Alsace, Aquitaine, Midi-Pyrénées, Nord - Pas-de-Calais). Surtout, son maintien à ce stade dans dix-sept régions sur vingt-deux impliquant la tenue de triangulaires, il parvient à empêcher la victoire de la droite dans les régions où celle-ci paraissait bien ancrée. Si cette composante « protestataire » du vote se confirme donc, l'essentiel de la contestation du gouvernement allait surtout bénéficier à la gauche, y compris non socialiste, avec des gains notables du Parti communiste et des Verts. En revanche, l'extrême gauche ne devait pas rééditer ses bons scores de la présidentielle de 2002.
Surtout, ce scrutin est marqué par un recul sensible de l'abstention au premier tour et, plus encore, au second, témoignant d'une mobilisation accrue de l'électorat. L'abstention reste toutefois élevée chez les chômeurs, les tranches les plus jeunes de l'électorat, les personnes aux revenus les plus faibles, sans diplôme et au sein des catégories populaires (commerçants, artisans, ouvriers, employés).
Ces élections, au-delà de leur signification et de leurs conséquences politiques, contribuèrent également à brouiller la politique de décentralisation portée par Jean-Pierre Raffarin. L'émergence d'un « contre-pouvoir régional », même si les régions françaises n'ont pas un rôle aussi déterminant que les Länder allemands, ne pouvait que compliquer l'action du gouvernement sur ce chantier qui est loin de faire l'unanimité chez les élus de son propre camp.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
Classification
Médias