FRANCE L'année politique 2006
La victoire de Ségolène Royal au péril des divisions
La désignation par les militants du Parti socialiste de Ségolène Royal comme candidate à la présidentielle, dès le premier tour de scrutin interne, le 16 novembre, et avec 60,70 p. 100 des voix (contre 20,57 p. 100 à Dominique Strauss-Kahn et 18,73 p. 100 à Laurent Fabius), a renforcé l'image du P.S., mais n'a pas pour autant dissipé les incertitudes. D'un côté, en effet, la procédure transparente de recueil des candidatures, marquée par la renonciation d'un Lionel Jospin pourtant tenté par un retour en politique, de Jack Lang et de François Hollande, et, surtout, les débats publics télévisés entre les trois candidats ont témoigné de la vivacité de la démocratie interne au sein du parti. Beaucoup ont observé également une concordance entre le choix final des militants et les appréciations des sympathisants qui, depuis longtemps, plébiscitaient Ségolène Royal, censée incarner un renouveau et une certaine indépendance par rapport aux dirigeants traditionnels du P.S. D'un autre côté, en dépit du rassemblement de principe autour de la candidate désignée, demeuraient des discordances de fond et des ambiguïtés sur la ligne finalement retenue. Le projet socialiste, adopté en juin 2006 et qui marquait une certaine inflexion vers la gauche, avait été présenté comme celui du candidat désigné en novembre ; mais Ségolène Royal l'a écarté, sans qu'un programme de substitution ait été présenté en 2006. Son équipe rassemble à la fois des anciens mitterrandiens, des sociaux-démocrates européens et des anciens partisans du non au référendum de 2005 sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe. Après sa désignation, en échange de circonscriptions réservées au Mouvement des citoyens (M.D.C.) pour les législatives de juin 2007, elle a réussi à rallier Jean-Pierre Chevènement, séduit par les accents républicains de la présidente de la Région Poitou-Charentes ; mais celle-ci avait aussi affirmé qu'elle se reconnaissait largement dans les idées de Tony Blair, « bête noire » de la gauche du P.S. On ne savait pas non plus encore, en fin d'année 2006, quelle place occuperait le P.S. en tant que tel dans la campagne, et notamment dans l'élaboration du socle doctrinal de sa candidate. En tout état de cause, l'accord électoral passé avec le M.D.C. comme auparavant avec les Radicaux de gauche, qui ne devaient pas non plus présenter de candidat à la présidentielle, visait à éviter le scénario du 21 avril 2002 où des voix de gauche avaient manqué à Lionel Jospin au premier tour pour être présent au second.
Chez les Verts, Dominique Voynet a été désignée en juillet par les militants contre son rival Yves Cochet ; mais la stratégie des écologistes ne s'en est pas trouvée clarifiée, certains attendant les effets d'une possible candidature de l'animateur de télévision Nicolas Hulot. Les Verts ont par ailleurs vu, en décembre 2006, l'élection de leur troisième dirigeant en quatre ans, Cécile Duflot remplaçant Yann Wehrling qui avait succédé à Gilles Lemaire en 2004. Plus à gauche, la situation restait confuse : s'il était acquis qu'Arlette Laguiller se présenterait pour la sixième fois au nom de Lutte ouvrière et que le leader de la Confédération paysanne, José Bové, semblait alors renoncer à se lancer dans la course, et l'extrême gauche n'était pas parvenue à s'unir. La candidate du Parti communiste, Marie-George Buffet, ne faisait pas l'unanimité au sein de la mouvance antilibérale, malgré un vote favorable des « collectifs » de cette galaxie, et elle continuait à subir une forte contestation interne, certains dirigeants souhaitant même voir désignée une personnalité plus consensuelle, capable de rassembler la gauche de la gauche. Il était aussi vraisemblable qu'Olivier Besancenot[...]
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Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
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