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FRANCE L'année politique 2006

Une élection ouverte

À la fin de l'année 2006, à moins de quatre mois du premier tour de l'élection présidentielle, le jeu était donc ouvert : la campagne n'avait pas encore commencé et les présidentielles précédentes avaient témoigné de la possibilité d'importants retournements dans les derniers mois. La pression exercée par le P.S. et l'U.M.P. sur les maires pour qu'ils n'accordent pas leur parrainage aux « petits » candidats semblait devoir conduire à une compétition plus fermée qu'en 2002, où seize candidats avaient concouru.

Quatre inconnues principales demeuraient. La première était celle du score réalisé par une candidature Jean-Marie Le Pen. Si Ségolène Royal paraissait dans une meilleure position que Lionel Jospin en 2002, en raison de l'appui qu'elle trouvait du côté des sympathisants socialistes, des accords électoraux préalables et d'un positionnement plus large que celui de l'ancien Premier ministre, on ne pouvait savoir si le candidat de l'U.M.P. parviendrait à mordre sur l'électorat frontiste.

La deuxième incertitude était liée à la capacité de François Bayrou de réussir un meilleur score qu'en 2002. S'il était possible qu'il gagne des voix dans la frange de l'électorat traditionnel de l'U.M.P. qui ne se reconnaît pas en Nicolas Sarkozy, l'importance de cette captation demeurait impossible à déterminer. La campagne devait dire aussi s'il était en mesure de détourner des électeurs sociaux-démocrates du vote en faveur de la candidate socialiste.

La troisième inconnue concernait l'évolution du positionnement de Nicolas Sarkozy. En développant des thèmes résolument marqués à droite (sécurité, lutte contre l'immigration clandestine, retour à l'ordre, rupture avec le modèle social français classique, diminution des impôts, notamment sur les successions, nouvelle réforme de certains régimes de retraite), il s'était affiché d'abord comme un candidat de premier tour. Malgré des inflexions ultérieures, dont témoignaient à la fois un discours plus social et un propos moins « communautariste » et plus républicain, il lui restait à dissiper les inquiétudes apparues chez certains électeurs de centre droit. L'implication dans sa campagne d'une personnalité plus sociale et jouissant d'une forte cote de popularité comme Jean-Louis Borloo paraissait devoir lui être utile.

Enfin, la quatrième inconnue concernait la campagne de Ségolène Royal. D'emblée, sa séduction avait tenu à la façon dont elle avait su s'affranchir des positions classiques du P.S. : début de remise en cause des 35 heures, discours plus centré sur l'ordre – qualifié, certes, de « juste » – et sur la sécurité, insistance sur les valeurs familiales et critique de l'héritage de Mai-68, notamment en matière éducative, discours plus musclé sur le plan international (notamment vis-à-vis de l'Iran), desserrement des contraintes de la carte scolaire. On lui a même reproché à gauche de tenir un discours proche de celui de Nicolas Sarkozy. Elle a également réussi à combiner une vision de sa présidence centrée sur l'incarnation, très éloignée de la « présidence citoyenne » de Lionel Jospin, et un appel constant au peuple, depuis l'élaboration de son programme jusqu'à sa proposition de « jurys populaires » pour contrôler les élus. Mais sa campagne devrait apporter des précisions sur les divers aspects de son projet afin qu'elle puisse en même temps témoigner de son ancrage à gauche et garder intacte sa capacité de transgresser la doctrine traditionnelle du P.S. Restait aussi à savoir si son positionnement, à la fois fondamentalement social-démocrate en matières sociale et économique, et républicain à propos des valeurs, ne provoquerait pas de nouveaux craquements parmi ses soutiens. Il semblait toutefois de nature[...]

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Écrit par

  • : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris

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