FRANCE L'année politique 2008
Une gauche déchirée
Les déchirements de la gauche, et singulièrement du Parti socialiste, ne datent pas de l'année 2008. Patents depuis la défaite de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle de 2002, renforcés par la division du P.S. lors du référendum du 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen, gagnant encore en virulence lors de la course à l'investiture pour la présidentielle de 2007, ils ont franchi une nouvelle étape en 2008 avec le combat pour la direction du P.S. et lors du congrès de Reims qui a précédé l'élection par les militants de la nouvelle première secrétaire, Martine Aubry. Ces querelles sont apparues à l'opinion comme relevant d'abord du choc des personnalités, quand bien même elles traduisent aussi des choix stratégiques et doctrinaux : Convient-il de nouer une alliance avec le MoDem ou de privilégier celle du Parti communiste, des Verts, de l'extrême gauche ? Le socialisme doit-il faire siennes certaines règles propres au libéralisme ? Le P.S. doit-il s'assumer comme un parti social-démocrate ? L'interventionnisme économique accru de Nicolas Sarkozy, le recentrage de sa politique fiscale et ses ambitions dans le champ de l'environnement rendent la marge de différenciation plus difficile, sauf en matière de justice, de sécurité, d'immigration, de médias et de pratique des institutions.
Pendant pratiquement toute l'année 2008, le P.S. aura été le champ clos de rivalités qui allaient se cristalliser en novembre, à Reims, dans les principales motions portées au congrès : une voie située à la gauche du parti, incarnée par Benoît Hamon qui fut l'un des chefs de file du non au référendum de 2005 ; une voie « sociale-libérale », défendue par le maire de Paris Bertrand Delanoë, à laquelle s'étaient ralliés le premier secrétaire sortant François Hollande ainsi que la plupart des anciens partisans de Dominique Strauss-Kahn et de Michel Rocard ; une voie plus « présidentialiste », affirmant le besoin d'ouverture et d'élargissement de la base traditionnelle du P.S., revendiquée par Ségolène Royal dans le cadre de la motion présentée par le maire de Lyon Gérard Collomb ; enfin, une voie d'apparence plus classique et ancrée dans la tradition socialiste, que représentait Martine Aubry. Le résultat, très en deçà des attentes, obtenu lors du vote des sections par la motion Delanoë (25,24 p. 100), au coude à coude avec celle de Martine Aubry (24,32 p. 100), et le score inespéré réussi par la gauche du parti (18,52 p. 100) aboutirent à un duel entre la maire de Lille et l'ancienne candidate à la présidentielle de 2007, dont la motion avait obtenu 29,08 p. 100 lors du vote des sections. S'étaient ralliés à la première tant les partisans du maire de Paris que, dans un second temps, ceux de Benoît Hamon, faisant naître des doutes sur la cohérence de la doctrine de l'ancienne ministre de l'Emploi et de la Solidarité du gouvernement Jospin mais aussi sur le caractère durable, au sein de la nouvelle direction, de la cohabitation entre des personnalités à la vision différente, sinon opposée, du positionnement futur du P.S. Faute de possibilité d'entente au congrès, les militants répartirent leurs suffrages de façon presque égale entre les deux candidates au second tour, Martine Aubry ne devançant Ségolène Royal que d'une centaine de voix, sur plus de 137 000 votants. Refusant de participer à la nouvelle direction, pluraliste dans son inspiration, sans pour autant quitter le parti de la rue de Solferino, les amis de Ségolène Royal campent dans une opposition qui laisse augurer de nouveaux déchirements à venir.
À la suite de cette élection, le sénateur Jean-Luc Mélenchon, membre de l'aile gauche du P.S., a décidé de quitter ce dernier pour fonder le Parti de gauche, sur le modèle[...]
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Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
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