FRANCE L'année politique 2015
2015 est pour la France une année noire, la plus tragique qu’elle a connue depuis la fin de la guerre d’Algérie. En deuil après les attentats terroristes de janvier et de novembre, le peuple français n’a guère d’autres préoccupations en tête. Il est cruellement ramené à la brutalité de l’histoire, dans laquelle se conjuguent drames internationaux et maladies sociales. Malgré tout, les attentats de Charlie Hebdoet de l’Hyper Cacher ne donnent lieu à aucune trêve politique, pas plus que les massacres du 13 novembre. La France ne saisit pas cette occasion de se consacrer sereinement à des débats de fond. Bien au contraire ! Les fractures du pays s’accentuent et une minorité de Français, toujours plus importante, préfère céder à la tentation des réponses radicales. Les attaques terroristes renforcent le sentiment que la sécurité de chacun est menacée, ce qui fait le lit du Front national et contribue sans doute à ses scores historiques lors des élections de l’année (départementales et surtout régionales). L’afflux en Europe de réfugiés fuyant la Syrie et d’autres pays en guerre, les débats que suscite le phénomène dans le pays et dans l’Union européenne, l’incapacité de la France à surmonter une crise économique qui s’éternise n’aident pas à combattre le sentiment, si ce n’est d’insécurité, du moins d’incertitude généralisée qui semble saisir l’opinion.
La France frappée par le terrorisme
Le 7 janvier, un premier attentat frappe la rédaction de Charlie Hebdo, le 8 janvier une jeune policière municipale est abattue à Montrouge, le 9 janvier le supermarché Hyper Cacher de la porte de Vincennes est attaqué. Presque un an plus tard, le 13 novembre, des attaques simultanées frappent le public d’un concert au Bataclan, le Stade de France et plusieurs restaurants et cafés. Le bilan humain de ces deux séries d’attentats plonge la France dans la consternation : en janvier, dix journalistes et collaborateurs du magazine satirique sont assassinés, quatre clients du supermarché et trois policiers, en novembre cent trente personnes sont tuées, pour la plupart des jeunes gens. La France prend unanimement conscience de sa vulnérabilité face au terrorisme, alors qu’elle est engagée sur plusieurs théâtres d’opérations extérieurs. Les deux séries d’attentats sont revendiquées par des organisations terroristes se réclamant de l’islam radical, la première par Al-Qaida dans la péninsule arabique (l’un des auteurs s’est toutefois présenté dans une vidéo posthume comme membre de l’État islamique), la seconde par l’État islamique (E.I.).
En janvier comme en novembre s’exprime à travers le monde une exceptionnelle solidarité internationale avec la France, solidarité qui va bien au-delà des cercles officiels. En France même, les attentats de janvier sont suivis, le 10 et surtout le 11 janvier, de manifestations de solidarité et de recueillement qui rassemblent plusieurs millions de personnes, au point qu’on parle dans les mois qui suivent d’un « esprit du 11 janvier » fait de dignité, de solidarité et de fraternité. La phrase « Je suis Charlie », écrite en lettres blanches sur fond noir, postée par un graphiste sur le réseau social Twitter, fait le tour du monde, accompagnée de variantes : « Je suis policier », « Je suis flic », « Je suis juif »… Une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement affluent à Paris pour ouvrir le cortège de la manifestation du 11 aux côtés de François Hollande. En novembre, les manifestations de recueillement sont plus limitées, notamment en raison de l’instauration de l’état d’urgence, mais le sentiment d’union nationale est tout aussi puissant. Un hommage solennel est rendu aux victimes dans la cour des Invalides. Cependant, les deux séries d’attentats sont de nature différente, non seulement en raison du nombre des victimes, mais[...]
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Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
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Médias