FRANCE L'année politique 2015
Une politique économique hésitante
L’ambiance délétère engendrée par les attentats de janvier et de novembre se greffe sur le malaise persistant des Français quant à leur avenir économique. Malgré une légère éclaircie, due notamment à la chute des cours du pétrole, la crise de l’économie française se prolonge. Certes, la croissance, principalement tirée par une légère reprise de la consommation des ménages, est d’au moins 1,1 p. 100 en 2015 (elle était nulle en 2014, de 0,3 p. 100 en 2013), mais elle reste inférieure à la moyenne de la zone euro (1,5 p. 100). Les investissements des ménages stagnent et ceux des entreprises augmentent plus faiblement que prévu. En dépit de quelques résultats encourageants, dus principalement à la baisse de l’euro et à quelques gros contrats, les exportations restent insuffisantes.
Malgré un léger tassement en novembre 2015, le chômage touche 3,57 millions de personnes à la fin de l’année, soit une croissance de 2,5 p. 100 en un an. Le nombre des sans-emploi de moins de 25 ans augmente à nouveau (24,6 p. 100), ce qui signale sans doute l’essoufflement des dispositifs d’emplois aidés. Plus inquiétant encore, le nombre des chômeurs de longue durée (sans emploi depuis plus d’un an) augmente de plus de 9,8 p. 100 en un an (hausses de 9 p. 100 en 2014, de 14,6 p. 100 en 2013). Depuis juin 2008, il a augmenté de 149,9 p. 100. En un an, le nombre des chômeurs de plus de trois ans augmente de 16,3 p. 100. L’ancienneté moyenne des demandeurs d’emploi atteint désormais 570 jours.
La croissance de 1,5 p. 100 sur laquelle compte le gouvernement pour 2016 ne devrait suffire ni à faire reculer le chômage, ni à endiguer le sous-emploi que connaissent beaucoup de travailleurs. Plusieurs économistes craignent que l’effet des attentats se conjugue au ralentissement de l’expansion des pays émergents pour peser sur la croissance française. En septembre 2015, l’agence Moody’s dégrade d’ailleurs la note souveraine de la France à Aa2 (sa troisième meilleure note), s’alignant ainsi sur Fitch et Standard & Poor’s. Malgré une légère amélioration de son indice de développement humain (I.D.H.) en valeur absolue, la France régresse de la 20e à la 22e place. Son P.I.B. par habitant continue de décrocher par rapport à la moyenne des P.I.B. des pays de l’O.C.D.E., davantage encore par rapport à ceux de l’Allemagne et des États-Unis.
Les faiblesses de l’industrie française, dues notamment au sous-investissement, restent préoccupantes, comme en témoigne la prise de contrôle par des groupes étrangers de trois entreprises françaises importantes : Lafarge, Alcatel-Lucent et Alstom. L’industrie ne contribue plus que pour 11 p. 100 au P.I.B. français (23 p. 100 en Allemagne), n’emploie plus que 2,52 millions de salariés (7,26 en Allemagne). La France a en effet détruit 446 000 emplois industriels depuis 2008, pendant que l’Allemagne en créait 129 000. La situation des finances publiques reste sous tension – ce que les mesures annoncées par le chef de l’État après les attentats du 13 novembre risquent d’aggraver – et, mécaniquement, la dette publique continue d’augmenter. Elle est d’environ 96,3 p. 100 du P.I.B. à la fin de 2015 (95,6 en 2014, 92,3 p. 100 en 2013, 89,6 p. 100 en 2012). En principe, le déficit public a été ramené à 3,8 p. 100 à la fin de 2015 (4,4 p. 100 en 2014), mais les mesures annoncées en fin d’année pourraient compromettre l’objectif des 3,3 p. 100 du budget 2016 – la Commission européenne a déclaré qu’elle se montrerait compréhensive en raison des circonstances. En grande partie à cause de la crise, le taux des prélèvements obligatoires baisse légèrement (44,5 p. 100 du P.I.B. en 2015, 46 p. 100 en 2013, 44,9 p. 100 en 2014). Le gouvernement a annoncé une diminution de l’impôt sur le revenu qui devrait bénéficier à 8 millions de foyers fiscaux – un million[...]
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Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
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Médias