FRANCE L'année politique 2023
Les fractures du champ politique
Les élections sénatoriales du 24 septembre (renouvellement de la moitié des membres du Sénat tous les trois ans) constituent l’unique scrutin de 2023. Les résultats de ces élections indirectes ne bouleversent pas les équilibres politiques à la Chambre haute. La droite sénatoriale perd quelques sièges (LR une dizaine de sièges, l’Union centriste 1 siège), mais conserve aisément la majorité. À gauche, socialistes, écologistes et communistes avaient conclu un accord et gagnent un peu moins de 10 sièges, malgré la concurrence des listes autonomes de La France insoumise (qui n’obtient pas de siège à la Chambre haute). L’ancien candidat à l'élection présidentielle d’Europe Écologie-Les Verts (EE-LV), Yannick Jadot, fait quant à lui son entrée au Sénat. Les partis proches de la majorité gouvernementale gagnent quelques sièges et le RN retrouve le chemin de la Chambre haute avec 3 élus. Sans surprise, le Républicain Gérard Larcher est réélu président du Sénat.
Plus généralement, dans la sphère politique, les partis traditionnels, affaiblis depuis les mauvais scores de leurs candidats à l’élection présidentielle de 2022 et l’arrivée en force de l’extrême droite à l’Assemblée nationale, sont à la peine. Le président des LR, Éric Ciotti, qui compte sur la candidature de Laurent Wauquiez à la présidentielle de 2027 – bien que celui-ci s’abstienne pour l’essentiel d’intervenir sur la scène politique nationale –, continue d’imposer à son parti une ligne très droitière, centrée sur la sécurité et la lutte contre la « submersion migratoire ». Sa direction est pourtant loin de faire l’unanimité au sein de son propre camp, les plus à droite des LR penchant chaque jour davantage vers le RN, les plus modérés regardant du côté d’Horizons, le parti de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe (majorité présidentielle). Par ailleurs, Éric Ciotti ne peut passer outre l’influence des deux présidents des groupes parlementaires LR – Olivier Marleix (Assemblée) et Bruno Retailleau (Sénat).
À gauche, le Parti socialiste (PS) dirigé par Olivier Faure, qui ne se relève toujours pas de son cuisant échec de 2017, semble incapable de tirer profit de la droitisation d’Emmanuel Macron et de ramener à lui une partie de son ancien électorat. Plusieurs courants continuent de s’opposer au choix d’Olivier Faure d’une alliance au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) dominée par La France insoumise (LFI). En juin 2023, Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre de François Hollande, lance ainsi son propre mouvement, La Convention. Sa capacité à fédérer les déçus du PS et du macronisme de gauche et à présenter sa candidature à la présidentielle de 2027 reste cependant hypothétique. De son côté, le député européen Raphaël Glucksmann (Place publique), qui avait bénéficié du soutien du PS lors des élections européennes de 2019, entend renouveler l’expérience en 2024 et attirer les électeurs qui ne se reconnaissent ni dans le Parti socialiste d’aujourd’hui ni dans les positions eurocritiques et antiatlantistes de la gauche de la NUPES, tout en bénéficiant de l’apport de voix de l’aile gauche de l’électorat d’Emmanuel Macron.
Au cours de l’année 2023, les invectives acerbes échangées entre Jean-Luc Mélenchon (qui n’a plus de mandat électif) et Fabien Roussel, le secrétaire national du Parti communiste, ainsi que le ton très polémique du fondateur de LFI vis-à-vis d’autres membres de la NUPES fragilisent l’union électorale construite à l’occasion des législatives de 2022. Elles avivent les tensions au sein même des Insoumis, partagés entre une direction fidèle au leader du mouvement (Manuel Bompard, Mathilde Panot…) et un groupe de députés assumant de plus en plus le rôle d’opposition interne (François Ruffin,[...]
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Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
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Médias