FRANCE L'année politique 2023
La France dans un monde menaçant
Jusqu’à l’automne, la politique étrangère de la France continue d’être focalisée par la guerre en Ukraine. Si, en 2022, au début du conflit, le président de la République avait cherché à ménager la sensibilité de Moscou (pour « ne pas humilier la Russie »), le tournant pro-ukrainien de ses prises de position se confirme largement en 2023. Ce changement se concrétise dans le discours que prononce Emmanuel Macron le 31 mai à Bratislava (Slovaquie). Rompant avec ce qui était perçu comme une forme de condescendance pour les pays d’Europe centrale et orientale, il reconnaît que leurs avertissements précoces sur le danger russe n’ont pas été assez pris en compte, et que le veto franco-allemand ayant abouti au rejet d’un plan d’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN au sommet de Bucarest (Roumanie), en avril 2008, constituait une erreur. Il propose la mise en place d’une pérennisation des garanties de sécurité à l’Ukraine par l’OTAN et ouvre la porte – ce qui sera officialisé peu après – au soutien de Paris à un processus d’adhésion – qui ne peut, selon les règles de l’Alliance atlantique, aboutir en temps de guerre. Il réaffirme la responsabilité exclusive de Moscou dans l’ouverture du conflit. Ce ton nouveau est très apprécié par les principaux dirigeants et analystes des pays d’Europe centrale et orientale, qui considéraient jusque-là la France comme un partenaire peu fiable. Cette position est également saluée lors du sommet de l’OTAN de Vilnius (Lituanie) des 11 et 12 juillet 2023, car elle contraste avec l’opposition américaine et allemande à une adhésion de l’Ukraine rapide et définie dans le temps.
Ce changement de position du président français doit être lu dans une triple perspective : ambition européenne qui passe par un soutien accru à l’Ukraine et une opposition la plus dure possible aux menées russes ; prise de distance envers l’Allemagne avec laquelle les relations ne sont pas au plus haut ; affirmation d’un leadership français, à un moment où la position de Washington se fait moins offensive et devient de plus en plus incertaine, dans la perspective de la présidentielle américaine de novembre 2024. Il n’en reste pas moins que la France est loin de figurer parmi les premiers contributeurs nets à l’effort de guerre en faveur de l’Ukraine, que le projet exprimé par le président en juin 2022 de passer à une « économie de guerre » ne s’est pas réellement concrétisé et que la France fait tout au plus figure de suiviste sur des questions telles que les sanctions extraterritoriales, la confiscation des avoirs gelés de la Banque centrale russe ou le futur jugement des crimes de guerre de la Russie. Emmanuel Macron ne semble pas, en outre, avoir renoncé à l’idée de négociations entre l’Ukraine et Moscou. En revanche, Paris n’a pas ménagé son soutien à des négociations en vue de l’élargissement de l’Union européenne à l’Ukraine et à la Moldavie, telles qu’elles ont été officiellement ouvertes lors du Conseil européen de décembre.
Emmanuel Macron a continué son travail diplomatique en direction de certains pays du « Sud global », qui adoptent une forme de neutralité bienveillante envers la Russie. Ces tentatives n’ont pas été totalement couronnées de succès, notamment avec la Chine où il s’est rendu en avril. Les alliés européens de la France lui ont reproché des déclarations trop conciliantes envers Pékin, notamment sur Taïwan et les droits de l’homme, et la distance qu’il a prise vis-à-vis de Washington sur ces sujets. Il a ainsi affirmé à son retour que la « pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur [le] sujet [de Taïwan] et nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise ». Pourtant, dans le même temps, une frégate française patrouillait[...]
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Écrit par
- Nicolas TENZER : président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique, enseignant à Sciences Po, Paris
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Médias