FRANCE (Le territoire et les hommes) Géologie
Bas Languedoc
« Ventre mou » de la France méridionale si l'on ne considère que son relief – immenses plages sablonneuses balayées par les vents, lagunes, plaines alluviales, basses collines que seul le climat méditerranéen transfigure en montagnettes –, le bas Languedoc est, malgré ces apparences, une région structurale bien individualisée et de grand intérêt tectonique. En effet, sous le masque des formations oligocènes, miocènes, pliocènes et des épandages quaternaires, gît en profondeur un rameau orogénique joignant les Pyrénées à la Provence (fig. 20). Son axe, prolongeant la zone axiale pyrénéenne, passe en fait au large de la côte actuelle, sous le golfe du Lion, mais la sédimentologie atteste son existence en tant que dos d'âne précocement soulevé et érodé durant le Crétacé supérieur et l'Éocène : l'affaissement du golfe du Lion, à partir de l'Aquitanien, a bouleversé une paléogéographie longtemps dominée par l'existence d'un « golfe » ou sillon allongé d'ouest en est, de l'Adour à la basse Provence, les eaux marines y pénétrant plus ou moins loin vers l'est selon les époques en refoulant devant elles les eaux douces.
L'évolution antétectonique
Après le dépôt du Houiller et du Permien dans les bassins localisés, le Trias « germanique » (à Muschelkalk réduit) se dépose partout, avec un Keuper gypsifère. La transgression rhétienne inaugure une évolution marine tranquille, en condition de plate-forme faiblement mais assez régulièrement subsidente (avec toutefois des lacunes). Le Lias moyen et supérieur forme un épisode marneux dans une sédimentation uniformément calcaire et dolomitique poursuivie de façon apparemment continue jusqu'à l'Aptien inclus. L'Albien est souvent gréso-marneux comme dans les Pyrénées. Au Jurassique, la mer couvre aussi les Causses ; au Crétacé inférieur, tout le Plateau central semble émerger, et la mer se localise dans la région ultérieurement soumise à la tectogenèse (elle communique encore au nord-est avec le golfe vocontien).
Les phases de la tectogenèse tangentielle
La phase postalbienne et antécénomanienne ne se traduit le plus souvent ici que par des mouvements de bascule, mais son importance est grande à l'échelle régionale ; elle déclenche (ou parachève ?) une importante dénudation. En conséquence, le Crétacé supérieur, presque entièrement continental et fluviatile, repose sur des termes variables de la série précédente, avec bauxites localisées, à sa base. Comme en basse Provence, un puissant « Garumnien » souvent rutilant correspond aux couches de passage du Crétacé au Cénozoïque (plus de 400 m de faciès « rognacien » à Saint-Chinian).
Ce « Garumnien » est quelquefois discordant et transgressif sur le Sénonien, par l'effet d'une phase tectonique « antébégudienne » pouvant localement être extrêmement marquée (ex. : Corbières orientales entre Durban et Fontfroide). Des conglomérats syntectoniques en sont l'enregistrement sédimentaire occasionnel (front du « pli de Montpellier », Corbières).
La sédimentation fluvio-lacustre (avec brèves ingressions marines ou saumâtres à l'ouest) se poursuit tranquillement à l'Éocène inférieur ; au Lutétien se creuse l'auge de subsidence entre les Pyrénées orientales et le Massif central : de 1 000 à 2 000 mètres de molasses à bancs de conglomérats se déposent alors dans le détroit de Carcassonne et le Minervois. Fort curieusement, ces décharges de poudingues de type « Palassou » précèdent d'assez loin la tectogenèse principale, ici relativement bien datée (Éocène supérieur).
La phase tectogénétique principale se décompose elle-même schématiquement en deux épisodes bien distincts. Une phase de plis de couverture accompagnés de jeux de failles affecte d'abord l'ensemble[...]
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Écrit par
- Jean AUBOUIN : membre de l'Institut
- Jean COGNÉ : professeur à la faculté des sciences de Rennes
- Michel DURAND-DELGA : professeur émérite à l'université Paul-Sabatier, Toulouse, correspondant de l'Académie des sciences
- François ELLENBERGER : professeur émérite à l'université de Paris-Sud
- Jean-Paul von ELLER : professeur au lycée d'Aix-en-Provence
- Jean GOGUEL : ingénieur général des Mines, ancien directeur du service de la carte géologique de France
- Charles POMEROL : professeur à la faculté des sciences, université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie
- Maurice ROQUES : doyen de la faculté des sciences de Clermont-Ferrand
- Étienne WINNOCK : ingénieur géologue, chef géologue à la Société nationale Elf Aquitaine
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Médias