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YATES FRANCES AMELIA (1899-1981)

Après des études de français à l'université de Londres (B.A. 1924, M.A. 1926), Frances Yates, spécialiste britannique de l'histoire des idées, poursuit d'abord ses recherches en dehors du contexte universitaire. Entrée en 1941 au Warburg Institute, institut d'études de la Renaissance, elle y est nommée professeur en 1956. Elle estimait devoir à l'esprit encyclopédique du Warburg l'élaboration de sa méthode pluridisciplinaire : par une approche philosophique, religieuse, littéraire et iconographique de l'histoire de la Renaissance, Yates a ouvert de nouvelles perspectives qui mettent en valeur les traditions occultes.

Ses recherches sur l'hermétisme de la Renaissance italienne conduisent Yates à discerner chez Giordano Bruno les influences de Marsile Ficin, Pic de la Mirandole et Cornelius Agrippa, et à situer son soutien à l'héliocentrisme de Copernic dans le droit fil d'un courant religio-magique : Giordano Bruno and the Hermetic Tradition, 1964 (Giordano Bruno et la tradition hermétique). Dans The Art of Memory, 1966 (L'Art de la mémoire, 1975), Yates examine, à partir des sources latines, et en tenant compte des doctrines cabalistiques et lulliennes, le domaine peu exploré de la mnémotechnique, procédé qui visait à permettre la mémorisation grâce à l'impression sur la mémoire de « lieux » et d'« images » tirés de l'architecture théâtrale et de l'iconographie contemporaines. Yates découvre un rapport historique entre les « théâtres de la mémoire » de Giulio Camillo et de Robert Fludd, les systèmes mnémoniques de Bruno et de Campanella, et le Globe Theatre où l'on jouait les pièces de Shakespeare. L'influence de Vitruve sur l'architecture du théâtre élisabéthain et sur l'idée du théâtre est étudiée plus particulièrement dans Theatre of the World, 1969 (Théâtre du monde) : les « masques » d'Inigo Jones — ces divertissements combinant ballets, théâtre et mascarades — s'inscrivent dans la tradition vitruvienne propagée par John Dee, mage et mathématicien. Apparentée au masque, traitant de la magie, comme c'est le cas de plusieurs des dernières pièces de Shakespeare, La Tempête serait une apologie de Dee, tombé en disgrâce (Shakespeare's Last Plays, 1975[Les Dernières Pièces de Shakespeare]). Cette théorie fait suite à la thèse, séduisante mais controversée, défendue dans The Rosicrucian Enlightenment, 1972 (La Lumière des Rose-Croix, 1978), ouvrage consacré à la naissance en Allemagne, sous l'influence de Dee et de la tradition chevaleresque anglaise, du mouvement des Rose-Croix qui représenterait dans la culture européenne une étape intermédiaire entre la Renaissance et la révolution scientifique, reliant la magie, la kabbale et l'alchimie à la pensée hermétique, paracelsienne et juive. Des figures comme Bacon, Kepler, Descartes, Comenius et Newton apparaissent ainsi sous un éclairage nouveau. Ces différents thèmes sont repris et développés dans le dernier ouvrage important de Yates, The Occult Philosophy of the Elizabethan Age, 1979 (La Philosophie occulte à l'époque élisabéthaine, 1987).

D'autres essais et ouvrages analysent la portée et le sens des cérémonies, fêtes et divertissements organisés à la cour d'Angleterre et de France : Astraea : the Imperial Theme in the Sixteenth Century, 1975 (Astrée : le thème impérial au seizième siècle) explore la présentation symbolique d'Élisabeth dans des portraits, poèmes et spectacles. Ces travaux d'une grande richesse s'appuient essentiellement sur une étude minutieuse des arts visuels ; The Valois Tapestries, 1959 (Les Tapisseries des Valois) est à cet égard exemplaire.

Fruit d'une vaste érudition, l'œuvre stimulante et originale de Frances Yates lui a valu d'être anoblie en 1977.[...]

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Écrit par

  • : agrégée d'anglais, docteur de troisième cycle, maître de conférences, département d'anglais à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud

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