CRISPI FRANCESCO (1818-1901)
Établi à Naples en 1845, comme avocat, Francesco Crispi est tout d'abord un patriote conspirant contre les Bourbons pour l'indépendance de la Sicile. Membre du Comité de guerre lors de la révolution de Palerme (1848), il est chassé par la réaction et se réfugie en Piémont, où il collabore au journal de gauche La Concordia. Expulsé de Turin après l'insurrection de Milan (1853), il commence une vie errante de proscrit, à Malte, à Londres, à Paris (1858), au Portugal. Républicain unitariste, disciple de Giuseppe Mazzini, il combat la « guerre royale » franco-sarde contre l'Autriche et place son espoir dans une insurrection nationale italienne. Il prend part à l'éphémère soulèvement de Sicile (juill.-août 1860) et contribue de manière décisive à vaincre les hésitations de Garibaldi à se lancer dans l'« expédition des Mille ». Secrétaire d'État à la Dictature garibaldienne, il est le conseiller politique du mouvement et il s'efforce d'organiser l'administration de l'île, dont il entend faire repousser l'annexion par le Piémont jusqu'à l'accomplissement de l'émancipation italienne. Violemment hostile à Cavour et aux modérés, député de la gauche au Parlement national (1861), Crispi, tout en demeurant dans l'opposition aux gouvernements de la droite historique, se détache avec éclat de Mazzini pour se rallier à la monarchie de Savoie, seule capable, selon lui, d'opérer l'unification politique et morale de la Péninsule. Sa carrière d'homme d'État commence avec l'avènement au pouvoir de la gauche (mars 1876). Président de la Chambre, puis ministre de l'Intérieur (27 déc. 1877), Crispi rencontre Bismarck à Bad Gastein et se déclare partisan d'une alliance italo-allemande dirigée contre la France. Accusé de bigamie, il doit se démettre le 7 mars 1878. Il revient au gouvernement, dans le cabinet d'Agostino Depretis, à qui il succède, le 7 août 1887. Son action se développe au cours de ses deux présidences du Conseil : 7 août 1887-31 janvier 1891 et 15 décembre 1893-1er mars 1896. Caractère orgueilleux et autoritaire, Crispi est un nationaliste, imbu de grandeur et de prestige. Ardent défenseur de la Triplice, il vise à évincer la France du bassin de la Méditerranée. Militariste, il lance l'Italie dans le colonialisme africain et, par le traité d'Ucciali (2 mai 1889) pense avoir établi un protectorat sur l'Éthiopie. Dans le domaine économique, Crispi soutient le protectionnisme et déclenche avec la France, en 1887, une ruineuse guerre douanière. Il se laisse entraîner par le ministre Magliani dans une politique de « finance allègre » qui ramène un lourd déficit, tandis que la crise de 1887-1893 détruit le système bancaire. Crispi renforce la structure autoritaire de l'État, n'accordant qu'un modeste élargissement du droit de suffrage pour les élections communales et provinciales (1888). Il refond l'administration judiciaire (code pénal Zanardelli, 1889) et soumet les institutions de bienfaisance à la tutelle administrative. Violemment attaqué par l'opposition pour sa « mégalomanie », éclaboussé par le scandale de la Banque romaine (1892-1893), Crispi se pose en défenseur de l'ordre établi. Il réprime avec brutalité les émeutes socialistes de la Sicile et de la Lunigiana par des lois d'exception (1893-1894). L'impérialisme de Crispi, qui vise à transformer le protectorat éthiopien en annexion, provoque la dénonciation du traité d'Ucciali par le négus Ménélik (févr. 1893). La relance de l'action militaire aboutit à la défaite d'Adua (1er mars 1896), qui met fin à la carrière politique de Crispi. Personnalité complexe, mêlant à la volonté de puissance l'idée mazzinienne de l'Italie, nation élue, Crispi a formulé des thèmes qui seront[...]
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Écrit par
- Paul GUICHONNET : professeur honoraire à l'université de Genève
Classification
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Autres références
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- Écrit par Paul GUICHONNET
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ITALIE - Histoire
- Écrit par Michel BALARD , Paul GUICHONNET , Jean-Marie MARTIN , Jean-Louis MIÈGE et Paul PETIT
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