HAYEZ FRANCESCO (1791-1882)
« Un photographe de cour et un metteur en scène de mélodrames », ce jugement qui ouvre une publication à l'usage du grand public de l'œuvre complet du peintre (Classici dell'Arte, Milan, 1971) est caractéristique des sentiments partagés qu'Hayez suscite : une extrême popularité qui n'a pas, il est vrai, beaucoup franchi les limites de l'Italie et en même temps une certaine réserve, comme si Hayez, dans une position assez comparable à celle de Delaroche par rapport à Delacroix, n'avait réalisé que quelques-unes des virtualités, les plus descriptives, du romantisme. L'activité d'Hayez s'est pratiquement concentrée à Milan, où il s'installe à partir de 1823. Reçu par la bonne société, professeur à l'Académie de Milan, en 1850, il vit l'histoire de l'indépendance italienne et, participant en quelque sorte à l'ascension de la famille de Savoie, devient le grand peintre de l'Italie réunie.
Après des études à Venise, il s'installe à Rome en 1809 et devient l'élève de Canova. Ses premières œuvres relèvent nettement de l'esthétique néo-classique, comme Renaud et Armide (1814, Galerie d'art moderne, Venise) et Ulysse à la cour d'Alcinoos (1813-1815, musée de Capodimonte, Naples). À peine note-t-on une certaine ductilité du trait, une tendance à l'attendrissement et un goût prononcé pour la couleur : s'il fallait tenter une comparaison, Hayez serait en France assez proche de Gérard.
Avec la série des Vêpres siciliennes (collections privées et Galerie d'art moderne, Rome), Hayez s'impose comme le narrateur ému, pittoresque et digne de l'histoire nationale. Son Roméo et Juliette (1823, villa Carlotta, Tremezzo) est un des meilleurs tableaux de style troubadour de la peinture européenne : une Juliette très classicisante embrassant un Roméo très médiéval dans un décor néo-roman dont les perspectives évoquent la peinture d'intérieur des maîtres hollandais du xviie siècle, autant de traits de cet art de la synthèse, caractéristique du xixe siècle. Son plus célèbre tableau, Le Baiser (1859, Brera, Milan), appartiendrait encore à la même veine si seul l'essentiel n'était dit. C'est pourquoi ce tableau eut un tel pouvoir d'émotion, car le baiser de deux amants qui vont se séparer évoqua aussitôt le départ des volontaires pour l'armée de Garibaldi. Le peintre a plusieurs registres : ses compositions religieuses comme La Rencontre de Jacob et d'Esaü (1844, musée Tosio Martinengo, Brescia) font penser aux recherches d'Horace Vernet, tandis que ses nus reprennent souvent les grands schèmes d'Ingres ; ses admirables portraits ont une retenue et comme une mélancolie, qui expriment à merveille la haute société italienne partagée entre son sens national et la fidélité aux régimes hérités.
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Écrit par
- Bruno FOUCART : professeur à l'université de Paris-Sorbonne
Classification
Média