REDI FRANCESCO (1626-1697)
Francesco Redi et la génération spontanée
Mais le travail pour lequel Redi est connu est celui qu’il publie à Florence en 1668 sous le titre Esperienzeintorno alla generazionedegl’insetti (« Expériences sur la génération des insectes »). Il y démontre en effet par un grand nombre d’expériences que, contrairement à ce que la plupart des auteurs affirment depuis l’Antiquité, les « vers » ne naissent pas par génération spontanée à partir de viande en décomposition. Après avoir placé dans quatre flacons les cadavres d’un serpent, de poissons, d’anguilles et de la viande de veau, récipients qu’il bouche ensuite soigneusement avec du papier, et laissé ouverts quatre autres flacons semblablement garnis, il constate que ces derniers se remplissent de vers alors que les quatre premiers en sont entièrement dépourvus, même après plusieurs mois. Redi, qui recourt ici pour l’une des premières fois dans l’histoire des sciences du vivant à ce que nous appelons aujourd’hui des expériences témoins, soupçonne que ces larves proviennent de la « semence » de mouches s’étant posées sur ces chairs, et non pas des chairs putréfiées elles-mêmes comme l’affirment les partisans de la génération spontanée. Comme on lui objecte que la fermeture hermétique de ses flacons, en empêchant l’air de s’y renouveler, peut expliquer que la vie ne s’y développe pas, Redi répète son expérience en bouchant un récipient contenant de la viande et du poisson non plus avec du papier, mais avec « un très mince voile de Naples » qui laisse passer l’air, récipient qu’il enferme ensuite dans une sorte de garde-manger. Mais le résultat est le même. Les insectes ne s’engendrent donc pas spontanément à partir de matière morte, qu’elle soit animale ou végétale, mais proviennent d’œufs pondus préalablement sur elle. Toute vie procède d’une autre vie. Le mémoire de Redi, illustré d’une trentaine de gravures, aborde aussi tous les aspects de la physiologie des mouches, des scorpions et des araignées, et décrit même le comportement des tortues, des poissons et des mammifères.
Pour démonstratives qu’elles soient, les expériences de Redi ne mettent pas pour autant un terme au débat sur la génération spontanée. Il se garde d’ailleurs de généraliser ses résultats à la matière vivante (par opposition à la matière morte), et pense que les fruits (cerises, poires, prunes, etc.) ou les galles du chêne (cécidies) peuvent engendrer des vers par le jeu d’une âme végétative. Il est probable aussi, selon Redi, que les parasites de l’intestin et des autres parties du corps – auxquels il consacre un ouvrage en 1684 sous le titre d’Osservazioniintornoaglianimaliviventiche si trovanoneglianimaliviventi (« Observations sur les animaux vivants qui se trouvent dans les animaux vivants »), dans lequel il décrit une centaine d’helminthes (« vers » parasites) et d’insectes ectoparasites – y prennent spontanément naissance, comme également la douve dans le foie des moutons. Des interrogations sur la génération spontanée se poseront de nouveau au xviiie siècle après la découverte des infusoires, puis au xixe après celle des microbes. Car c’est en définitive la grande question de l’origine de la vie qui s’est longtemps dissimulée derrière celle de la génération spontanée.
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Écrit par
- Pascal DURIS : professeur en histoire des sciences, université de Bordeaux
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Média
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